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Théâtres

Paris et Province

Glenn, naissance d’un prodige
au Théâtre Montparnasse

Une belle pièce historique et personnelle - C’est une création originale déjà ancienne, qui a connu le succès public, et déjà signalée à laquelle nous avons assisté ce 21 septembre 2024. La pièce retrace le parcours de vie du célèbre virtuose canadien Glenn Gould. Il faut déjà se réjouir du succès d’une telle œuvre, tant la musique classique paraît désormais une langue morte. Mais ce n’est pas tant l’existence de l’artiste qui y est narrée – l’on ne sait en effet si tous les détails de la pièce, et notamment l’existence de la cousine Jenny, sont authentiques – que ses aspects sombres et sa psychologie particulière. Les deux, à la vérité, se confondent.

Glenn Gold naît en 1932 en Ontario, dans une famille luthérienne. Le père, fourreur par surcroît, fait rebaptiser celle-ci Gould afin que ses proches ne fussent pas pris pour juifs en cette période d’antisémitisme décomplexé. La mère de Glenn, Florence, serait ancien premier prix de conservatoire, mais son sexe l’aurait empêchée de percer dans la carrière. La vérité est que les potentialités du jeune Glenn sont très tôt repérées par ses géniteurs qui consacrent toute leur industrie à l’ascension du petit prodige.

D’où le titre de la pièce. Mais ce qu’a entendu mettre en exergue Ivan Calberac, auteur et metteur en scène, est la difficulté d’être artiste et le psychisme souvent dégradée des grands créateurs ou interprètes. Le jeune Glenn, perclus de tocs, de phobies et d’hypocondre est en réalité la victime malheureuse d’une mère incestueuse. Son rapport aux femmes en sera sa vie durant dégradé, manquant une authentique histoire d’amour avec sa cousine germaine follement éprise, et mourant célibataire et sans enfants, sous la dépendance des médicaments, à cinquante ans à peine. On y découvre, loin du « privilège blanc » et de la musique classique comme « instrument de la domination bourgeoise blanche » les servitudes du génie et d’une vie au service de l’art. Gould y apparaît à la fois comme odieusement égoïste et malheureux. Malgré un succès public hors du commun, il cessa très tôt, à trente-deux ans à peine, toute production en public ; il ne supportait plus d’être exhibé, de son point de vue, comme un animal de foire. Il consacra le reste de sa carrière à des enregistrements en studio qui détiennent jusqu’à ce jour le record de ventes en matière classique.

La pièce est réussie, a juste ce qu’il faut de naïf et est joliment agrémentée de très belles musiques (et pas uniquement du répertoire classique et/ou exécutées par le Canadien). Calberac, dans la scénographie, se réclame des toiles de Hopper, peintre contemporain de l’Amérique du Nord. Nous recommandons ce spectacle à la fois populaire et exigent. Une mention spéciale sera accordée à Lison Pennec qui, joue, en alternance car le succès de la pièce a permis un dédoublement de la distribution, une Jenny touchante, aveuglée d’amour et maltraitée par Glenn et sa mère. Elle reçut pour son interprétation un « Molière » en 2023. Par notre collaborateur et auteur Frédéric Casotti. Nos remerciements à Guillaume Andreu, agent de presse spécialisé théâtres. Le Théâtre Montparnasse, un haut lieu des réjouissances théâtrales parisiennes, établi avec brio au 31 rue de la Gaîté 75014 Paris -  www.theatremontparnasse.comSeptembre 2024

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Gargantua
au Théâtre de Poche-Montparnasse

Riche d’émotions - Cela semblait une gageure d’adapter le chef-d’œuvre de François Rabelais en seul en scène, tant l’œuvre est truculente, sa langue pléthorique et verte, le récit joyeux et les personnages nombreux et foisonnants. Anne Bourgeois (mise en scène) et Pierre-Olivier Mornas (adaptation et interprétation) y sont parvenus. Pendant une heure et quart, de manière plus ou moins égale, le destin du géant humaniste est narré, de sa naissance après onze mois de gestation, à la fondation de l’abbaye de Thélème.

On ne le sait guère, mais Gargantua est un personnage de la mythologie païenne, française et anglaise. Il n’a pas été inventé par Rabelais, et le livre initiatique de ce dernier constitue le troisième ou quatrième récit littéraire relatif audit personnage. L’origine généralement retenue de son nom est à trouver dans l'occitan garganta « gorge ». Rabelais lui préfère l'étymologie facétieuse « Que grand tu as », visant expressis verbis son gosier, mais sous-entendant une autre partie de son anatomie. La légende veut qu’en quête de fertilité, les femmes, en certains recoins des campagnes, se frottent sur les représentations du géant (tels des monolithes) ou l’invoquent … Plus généralement, dans la mystique populaire, le géant, figure très commune, représente le souffle de vie, la création, la force de la nature, etc.

Nul n’en ignore, Gargantua est un récit paillard. A cet égard, Mornas laisse une place de choix à ce qu’il appelle lui-même « la scène tube du torche-cul ». Sans doute trop, d’ailleurs. Mais derrière la grossièreté apparente, un travail sur la langue, hyperbolique, riche, pullulante accouche en réalité (la jouissance d’une telle langue fut contée par l’adaptateur lui-même). Et c’est à cette époque que le français moderne se forme. Se dissimulent également sous cette surface rabelaisienne profondeur et humanisme. Rabelais, lui-même ecclésiastique, se moque d’abord de la vacuité et de la paresse des clercs. C’est la Sorbonne et son enseignement qu’il a en ligne de mire. Nous sommes au seizième siècle, les découvertes scientifiques ont effacé la scholastique, et la Renaissance point.

Et c’est donc à un art d’écrire auquel l’auteur s’est livré : en parlant de banquets et d’excréments, c’est d’éducation, de science, de guerre et de philosophie qu’il nous entretient. Il convient de se rappeler que Rabelais fut mis à l’index, et son éditeur, Etienne Dolet, passé par le bucher. Les autres passages célèbres du roman d’initiation sont alors vu par Mornas avec justesse : l’horreur et l’absurdité de la guerre (contre les picrocholins), les mérites de l’éducation (Thubal Holoferneest remplacé par Ponocrates) et l’humanisme avec la libération des prisonniers de guerre et la fondation de Thélème.

La pièce mérite d’être applaudie, ne serait-ce que pour la performance de l’adaptation et la jouissance de la langue rabelaisienne. Nous sommes en outre à un point de rupture : la technologie, les réseaux sociaux et l’hypermodernité sont sur le point de tout emporter. Il faut se raccrocher autant que faire se peut à la grandeur du passé. Déjà notre gentil géant prophétisait, à l’adresse de Pantagruel, son fils : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Par notre rédacteur associé, Frédéric Casotti. Nos remerciements à Julien Wagner, agent de presse spécialisé. Le Théâtre de Poche Montparnasse fait sa rentrée au 75, boulevard du Montparnasse 75006 Paris - www.theatredepoche-montparnasse.comSeptembre 2024

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Montaigne, Les Essais
au Théâtre de Poche-Montparnasse

Un classique français émouvant - Le théâtre de Poche est une institution de Montparnasse, le plus provincial et le plus parisien des quartiers. Certes, les abords de la gare parisienne qui dessert l’ouest sont, de fort longue date, un lieu d’amusements, sinon de licence. Cinémas, brasseries, magasins et théâtres y foisonnent. Mais excentré par rapport à la rue de la Gaîté et logé au fond d’une impasse, ce minuscule théâtre aux deux scènes propose des pièces du répertoire ou des adaptations de classiques. Ainsi, quand nous nous y sommes rendus ce samedi 19 mai en plein week-end de Pentecôte, était également jouée une adaptation de l'Education sentimentale. Nous avions opté pour une autre adaptation : celle des Essais de Montaigne.

La pièce, mise en scène par Chantal de la Coste, constitue un-seul-en-scène mené, sans mauvais jeu de mots, avec brio par Hervé Briaux, un comédien blanchi sous le harnais qui dispose d'une forte expérience du répertoire classique Depuis plus d’un mois, du mardi au samedi à 19h, il y déclame sans décor ni costume particulier un condensé de l'œuvre de l'ancien maire de Bordeaux, dont la seconde édition en 1588 contenait six-cents ajouts par rapport à la première. C’est que Michel Eyquem, après une vie civile et professionnelle fort remplie - il fut magistrat au parlement de Bordeaux, maire de la capitale aquitaine et pères de six filles -,se retira lors des vingt dernières années de sa vie dans son château de Montaigne, non loin de Bergerac afin de réfléchir sur lui-même et le sens de la vie.

 

Dans ses Essais, l'auteur explore des thèmes variés comme l'amitié, l'éducation, la nature humaine et la mort. Montaigne y partage ses pensées et expériences avec honnêteté et introspection, tout en adoptant un style de conversation intime avec le lecteur. Ses écrits sont marqués par un esprit sceptique et humaniste, cherchant à comprendre la condition humaine à travers l'observation et la réflexion.

Nous avons apprécié ce spectacle, qui dure quarante-cinq minutes. Comme nous sommes prompts à nous plaindre de la trop grande longueur de beaucoup de pièces, nous ne considérons pas cette durée comme trop brève. L’aridité de la mise en scène et la profondeur du texte ne permettent guère un format plus long, de même que la configuration du théâtre, promiscue et assez spartiate. Un public assez hétérogène se pressait à la représentation : nous y sommes allés avec notre fils adolescent afin que celui-ci se décrasse les oreilles ; étaient également présents des personnes seules, des retraités, un jeune couple et des paires d’amies qui allaient sans doute souper et bavarder après. Hervé Briaux y était élégant et impeccable, hormis quelques légers achoppements qui donnent au spectacle son côté vivant.

 

Nous recommandons la pièce. Nos remerciements à notre auteur Frédéric Casotti et à l’agent Julien Wagner d’Hopfrog. Photos :Victor Tonelli. Le Théâtre de poche du Montparnasse, une dynamique scène parisienne établie avec passion depuis 1943 au 75 Bd du Montparnasse, 75006 Paris - www.theatredepoche-montparnasse.comMai 2024

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Dom Juan de Molière
au Théâtre de l’Odéon

Une pièce transfigurante et transgressante - Qu’il était de bon alois que de venir cette nouvelle pièce présentée par le Théâtre de l’Odéon et son vibrant directeur Stéphane Braunschweig, tant son vibrato, sa puissance, nous réveillent un tant soi peu de notre prémonition d’aller voir un classique qui pourrait être pesant. Il n’est en rien, au contraire. Le ton vert fluo des affiches qui apparaissent dans Tout Paris donnent le ton : il nous sera donné un spectacle résolument contemporain, du moins dans son esprit, voire sa forme.

Nul doute que 2h30 d’un grand classique de Molière écrit en 1665 pouvait en rebuter plus d’un, mais sous cette nouvelle version, revisitée, modernisée par la talentueuse Macha Makéieff, nous voici transportés à travers les âges, virevoltant d’époque en époque, donnant libre court à la passion d’un Dom Juan réécrit, extasié, fougueux toujours. Placé dans le siècle de Sade et de Laclos, ce Dom Juan là porte un jour nouveau, plus sombre, mais aussi risible, nous restons dans la comédie, rendure profonde par les tours dramatiques de la fortune ou l’infortune de cet honnête homme. Les lumières de Jean Belloni et le son de Sébastien Trouvé mettent en valeur un doux décor baroque et classique.  On ne présente plus Macha Makéieff, cette surdouée de la mise en scène, qui a collaboré notamment avec William Christie ou Louis Langrée, elle est basée à Aix en Provence pour transmettre ses savoirs.

La pièce est longue, forte, remplie de personnages allant, venant, tous centrés autour de Dom Juan, lui-même présenté dans un lieu unique, uni-temporel, le grand salon de son château. Un lieu qui sera tour à tout la place de ses ébats, de ses tromperies, de ses aveux et repentances, pour ne s’effacer qu’à la finale, au purgatoire de sa mort.

On entre aisément dans cette belle pièce qui s’ouvre sur un air de Janis Joplin, on aime ce chassé-croisé des styles et des époques, distillés par Macha avec adresse, sans oublier certains clins d’œil à notre époque moderne par ces gestes et mimiques, car ici on restera fidèle au texte de Molière à la lettre. Xavier Gallais incarne à merveille ce Dom Juan erratique, drogué presque, mais exalté, attachant s’il n’était plein de son égo grandiose et de sa fougue perversité. Gallais signe ici assurément l’un des rôles piliers de sa carrière déjà émérite, avec panache. Il fait penser à un jeune Depardieu débauché et vil par son jeu franc et fort. Il porte à lui tout seul cette pièce, à bouts de bras, pour s’écrouler, avec sa mort ultime, dans une scène digne de Dante.

Nul doute que Gallais se révèle ici au public parisien dans la pleine gloire de son jeu, on en redemande. Il est fidèlement secondé par Sganarelle, joué à merveille par Vincent Winterhalter. On ne peut imaginer un autre rôle pour ce Vincent qui suit son maître chéri de façon servile et un peu lâche, il est un comique à lui tout seul. Irina Solano en Elvire donnera la contrepartie à Gallais avec la même ferveur pour un jeu consacré si propre aux arts théâtraux français classiques.

Toute la troupe joue avec égale passion et ferveur. On notera l’apparition fine et précieuse de la danseuse Xavière Lefebvre, qui donne ces moments de grâce à cette pièce magistrale, sous un doux air de clavecin. Trois ans après Tartuffe Théorème ou encore après Trissotin ou les Femmes Savantes, Macha nous livre ici un Dom Juan révolté, fort, mais aussi perdu, prêt à en découdre avec tous, mais aussi rejeté par son père, une blessure qui le mène à sa perte. Dom Juan nous étonne et nous passionne, il ne nous laisse pas indifférent.

On sent l’humeur rageuse du personnage, qui va de femme en femme, sans conscience ni honneur. Il est dans la transgression de la jouissance pure, dans la consommation ici et maintenant, il brûle. Son personnage est mi-homme, mi-femme, mi-dieu, mi-mortel, aviné mais aristocrate, il cumule tous les antagonistes et les contrariétés. Il se joue des convenances, c’est un homme libre. Dom Juan s’entoure de femmes libertines, libres elle aussi, comme le fut la Béjart inspirant Molière en son temps.

La célèbre coupole d’André Masson de 1965, sous les ors et les velours rouges de cette belle salle à l’italienne donne une résonance particulière au personnage flamboyant de Dom Juan. Cette salle qui a vu la création du Mariage de Figaro connaît une nouvelle épopée théâtrale avec ce nouveau Dom Juan, qui marquera sans aucun doute les esprits et l’histoire riche de ces lieux. Ce Dom Juan, un drame comique passionné, une grande fresque humaine et fantastique, servie par une troupe talentueuse. Assurément une grande pièce de 2024.

Cette création du 9 mars 2024 au Théâtre de Villeurbanne ne laissera pas indifférent. Le Théâtre National de l’Odéon Théâtre de l’Europe, une vénérable institution des arts dramatiques français établie depuis 1782 avec brio à Place de l’Odéon 75006 Paris - www.theatreodeon.euAvril 2024

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Passe Port
d’Alexis Michalik

Une pièce de résistance forte - Une pièce alliant force, courage, ténacité et désespoir. Fort à son accoutumée, Michalik le surdoué nous livre en brut les vies acerbes et franches de ces êtres, personnages à multifacettes qui nous emportent, dès la première seconde dans un univers atypique, le leur, il ne sera pas onirique cette fois, mais résolument de la basse réalité, de cette violence moderne, celle de la pauvreté, du transfuge, de l’espoir déçu et tombé dans le caniveau.

Point une comédie ici, même si le jeu, l’histoire nous donne un espoir en l’âme humaine, la fraternité, la tendresse, une pièce non révolutionnaire mais si directe qu’elle en perce le cœur, nous secoue. Pour la première fois au public français, il nous est donnée la dure et aiguisée, la réalité choc du quotidien des réfugiés en Europe. On aime cette poésie de la traversée du bateau de nuit, agrémentée de ces effets vidéos et sonores. On se laisse bercer par le conte, la beauté du verbe clamé, mais ce sera que pour se réveiller durement à chaque claque que prennent ces personnages dans leur parcours initiatique et résolu.

Seuls 7 acteurs sur scène mais c’est là la magie de Michalik: nous faire croire qu’ils sont 40, il y réussi avec brio, comme à chaque opus de son œuvre. Tour à tour, ils vont se changer, se métamorphoser sous nos yeux, pour prendre un à un, de façon croisée et instantanée une multiple apparence ou un rôle nouveau. On aime ce nouveau théâtre, quasi-cinématographie, presque Félinien, où nous suivons pas à pas la construction de ces personnages, leurs vies, leurs achèvements, leurs échecs, leur mort aussi. 

On s’attache vite à chacun d’entre eux et sous des airs un peu bruts au début, nous y voyons vite leur finesse, leur complexité, leur humanité au cours de cette pièce fort réussie. Une pièce qui nous prend par les tripes, nous chamboule. Claque sur claque c’est la lutte, la lutte des classes a disparu, voici la bataille des réfugiés, les galères de ceux qui n’ont pas de droits. 

On suit la vie mouvementé du jeune réfugié Issa, mais aussi celle troublé de ce CRS qui va se perdre. Les destins s’entrechoquent, se croisent, brûlent… pas de happy end ici, nous ne sommes pas à Hollywood mais une prise de conscience donné à tous sur nos lacunes, notre absurdité inhumaine, notre racisme aussi. 

On y découvre l’autre, leur existence de rien que nous ignorons volontairement. Cette pièce est une vraie prise de conscience salvatrice. Elle nous emporte, comme un train à 100 à l’heure dès les premiers instants. Elle va vite, tout va vite dans l’art théâtral de Michalik, avec cette pause notable du dîner de famille, là où tout se joue aussi. On y dépeint des petits personnages, les petites vies, mais ensemble, ils forment une grande fresque, celle de la France d’aujourd’hui, la France d’en bas qu’on veut continuer à ignorer.

Les joies et les peines s’entre-melent, le travail pour s’en sortir, passer les frontières ou les mers même si c’est impossible, les procédures administratives interminables et les exils à Poitiers. Tout y est ou presque pou nous conter cette fable franche et drue, ce drame aussi. Les destins virevoltent, se lient, se perdent. Michalik s’est retiré un an au calme pour écrire ce nouveau tome de ses productions fantastiques. 

Un acte résolument ancré dans le présent là où ses précédents essaies étaient tournés vers le passé plus ou moins lointain, on pense au Porteur d’Histoires. Le cadre somptueux du Théâtre de la Renaissance, fait de velours et ors tranche volontairement avec le minimalisme du décor, lequel s’anime avec adresse tel un plan séquence de cinéma. La pièce file à vive allure, on remarque que les tous les acteurs et actrices ont un talent inné et bien à propos avec chaque vie qu’ils portent. Cela en fait une troupe émérite bien que jeune, que le public ovationnera debout. Il est fort à parier que ce nouvel acte du théâtre français portera les couleurs de Michalik encore de longues années.

Résolument consacrée la pièce de ce début 2024, une pièce fort attendue. On se délecte de ce jeu adroit et fin, de cette passe comme au basket du verbe, changeant d’une scène à l’autre, en temps réel. On est plus au théâtre, nous sommes su un nouvel art, formé entre théâtre et cinématographie, bien vivant. C’est déjà la fin qu’on en redemande, ou qu’on imagine la suite. Point de politique ici, que de l’humain, vrai.

Nous gardons un souvenir fort, doux mais sauvage à la fois de ce conte moderne qui a bouleversé la salle. Une pièce choc à voir absolument, qui nous sort de notre cadre quotidien. Un théâtre qui est la vie. Le Théâtre de la Renaissance, un lieu historique des arts de scène parisiens établi avec ferveur au 20 Bd Saint-Martin, 75010 Paris – www.theatredelarenaissance.com Avril 2024

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Le Malade Imaginaire
au Théâtre des Champs-Elysées

Un classique revisité avec tact - Rare est de voir combiner deux grandes institutions françaises des arts et spectacles. C’est chose faite avec ces représentations exceptionnelles de la Comédie Française, tenues dans le cadre majestueux du Théâtre des Champs Elysées.

Nous nous sommes rendus avec joie le 27 décembre 2023 avenue Montaigne assister à la représentation de ce grand classique par la troupe de la Comédie-Française. La place de l’Alma et l’avenue du luxe parisien scintillaient et se trouvaient emplies d’une foule internationale, entre Noël et jour de l’an. Un public nombreux, mêlant spécialistes et profanes, était venu se délecter de la plume et de l’ironie coupante de Molière. Il s’agit de la reprise, jusqu’au 7 janvier prochain, d’une création du Théâtre-Français de 2022.

La férocité de la pièce est fort bien servie par les comédiens du Palais-Royal. Guillaume Gallienne, que l’on voit moins depuis quelques années en dehors de sa troupe, est dans la force de l’âge et campe, impérial, un Argan ridicule et comique à souhait. Denis Podalydès interprète, tout en maîtrise lui aussi, MM. Diafoirus et Purgon. Deux autres comédiens se distinguent selon nous : Julie Sicard qui joue une Toinette pleine d’énergie et d’humour et Clément Bresson, pathétique et sublime dans le rôle du fiancé, Thomas Diafoirus.

La dimension musicale de l’œuvre est bien mise en exergue par une « bande sonore » originale composée par Marc-Olivier Dupin. On doit en effet se rappeler qu’à l’origine, tous les intermèdes, outre la scène finale de l’intronisation d’Argan, étaient accompagnés d’une création originale de Marc-Antoine Charpentier qui dut subir la rancœur et la susceptibilité de Lully devenu entre-temps surintendant de la musique de Louis-le-Grand. La mise en scène est sage, juste ce qu’il faut pour tout à la fois conserver à l’œuvre son classicisme et la maintenir au goût du jour avec l’élégance requise. Notre seul bémol ira alors au décor et aux costumes, excessivement arides et étiques.

Nous n’avions pas revu la pièce depuis la fin de l’épidémie de Covid. La dénonciation des Diafoirus de toutes sortes, dernièrement les épidémiologistes de chambres stériles et médecins de plateaux de télévision sans science réelle ni patientèle demeure, au risque du poncif, pleine d’actualité. En art, le temps constitue l’arbitre suprême. La pièce du plus grand comédien français de tous les temps dispose de nombreux autres atouts: une langue sublime et corrosive, une drôlerie irrésistible et une grande profondeur. Car au-delà du ridicule et de la componction des morticoles, c’est aussi le procès du conformisme et du faux devoir que Molière instruisait dans cette pièce, sa trentième et dernière.

La légende veut que ce dernier soit décédé en la jouant. Cela est inexact: il est mort chez lui, quelques heures après que la troupe a dû interrompre une représentation au cours de laquelle Jean-Baptiste Poquelin avait subi un malaise. La légende veut qu’il ait fait venir un médecin et un prêtre pour abjurer sa qualité de comédien et recevoir le saint-sacrement (l’homme d’église ne parvenant jamais). Entre-temps, la médecine et la recherche pharmaceutique, malgré d’innombrables scandales, ont permis le doublement de l’espérance de vie et la multiplication par treize de la population mondiale.

Nous recommandons ce spectacle, par exemple dans un cadre familial voire intergénérationnel. Nos remerciements s’adressent à Frédéric Casotti notre auteur, à Justine Marsot ainsi qu’à Vanessa Fresney de La Comédie Française. Photos par Christophe Raynaud de Lage et Vincent Pontet, coll. Comédie Française Le Théâtre des Champs-Elysées, une institution émérite des spectacles parisiens établi avec panache au 15, avenue Montaigne 75008 Paris – www.theatrechempselysees.fr et www.comedie-francaise.fr - Janvier 2024

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Les Parents Terribles
au Théâtre Hébertot

Une pièce vive et forte - Nous avons assisté le 2 mars 2023 à la représentation des Parents terribles de Jean Cocteau au Théâtre Hébertot, dans une mise en scène de Christophe Perton, avec notamment Maria de Medeiros, Muriel Mayette et Charles Berling.

 

C’est avec une certaine excitation, non exempte de doutes, que nous nous étions rendus boulevard des Batignolles, dans ce fort joli théâtre privé, voir jouer un auteur que l’on ne représente plus guère. Il est exact qu’à la manière par exemple d’un Sartre, mais dans un tout autre genre, il paraît daté. Nous sommes en 1938, année de sortie de la pièce. Celle-ci fût un immense succès, mais un très grand scandale aussi, puisque le 3 janvier 1939, à la suite de la neuvième représentation, le Conseil municipal de Paris, propriétaire du Théâtre des Ambassadeurs, interdit l’œuvre, l'accusant de mettre en scène un inceste.

 

La pièce fut reprise durant l’occupation, mais de nouveau stoppée pour les mêmes motifs de prétendue décadence morale. Il faut dire qu’elle a été écrite – selon la légende, d’un trait et dans une sorte de convulsion entre le 26 janvier et le 22 février 1938 dans les murs de l’Hôtel de la Poste à Montargis - par un Cocteau au tréfonds de l’opiomanie et n’ayant jamais caché son homosexualité, afin que Jean Marais, son compagnon, y tînt le premier rôle. Et le maître de nous y entretenir d’un quasi inceste : Georges, père doux et rêveur, est entièrement dominé par les caprices de sa femme, Yvonne, une diabétique victime de malaises fréquents. Avec Michel, leur fils adoré, les parents vivent au crochet de Léonie, qui a autrefois été la fiancée de Georges qui lui a préféré sa sœur.

 

Ces quatre personnes vivent ensemble dans un huis clos absolu – y compris sans domesticité, et que Léonie appelle « roulotte » - jusqu'au jour où, sommé par sa mère d’expliquer, malgré ses 21 ans, pourquoi il a découché, Michel narre qu’il fréquente une jeune fille un peu plus âgée que lui, Madeleine. Or Madeleine est entretenue par un vieux veuf, qu’elle a promis de quitter. L’on comprend vite que ce bienfaiteur est Georges, si bien que père et fils ont la même maîtresse, ce que le fils ignore. Il est alors convenu que toute la « roulotte » se déplacera chez Madeleine, d’abord pour faire sa connaissance, puis pour la pousser à rompre avec Michel.

 

Il a été dit que Cocteau voulait emprunter aux codes du vaudeville pour les appliquer à la tragédie familiale, pleine de scandale, tant on découvre au fil de la pièce qu’Yvonne aime Michel, du moins symboliquement, comme une femme et que père et fils ont la même maîtresse. Et pour faire bonne mesure, Léonie et Georges étaient concubins avant que ce dernier ne préfère sa sœur, ce qui n’empêche pas toute cette petite société de cohabiter.

 

La mise en scène de Perton est fort classique et très sombre, de même que le jeu des comédiens. Cela n’empêche pas quelques rires de temps en temps. Cela est dû au brio et à la fulgurance de la pièce, écrite dans une langue prodigieuse, avec des sentences claquant comme des coups de fouets, et ornée d’une psychologie et une morale très noires. Le décor nous renvoie aux années trente, sans effort de remise au goût du jour (mais il n’y a pas lieu de s’en plaindre). L’authenticité du « produit » est renforcée par la projection d’esquisses de Cocteau. Seuls des intermèdes de free jazz semblent anachroniques, mais ajoutent à la noirceur de l’œuvre.

 

Nous avons passé un agréable moment et recommandons ce spectacle qui fait redécouvrir une légende dont la postérité et l’aura n’ont rien d’usurpé. Hâtons-nous en outre de jouir d’une œuvre que les ligues de vertu, pourtant au nom du progressisme, mettront peut-être bientôt à l’index. Nos remerciements s’adressent à notre rédacteur Frédéric Casotti et à l’agent de presse Pierre Cordier. Le Théatre Hébertot, une belle scène parisienne établie depuis 1838 au 78 bis Bd des Batignolles, 75017 Paris – www.theatrehebertot.com Mars 2023

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Barbara
au Théâtre de Passy

Un spectacle musical riche d’émotions - C’est une représentation déjà ancienne que Roland Romanelli et Rebecca Mai donnent au Théâtre de Passy. Ils avaient ainsi créé cette pièce en 2013 sur la base d’un livre publié en 2010 par le premier, et relatif à sa collaboration avec la chanteuse (Roland Romanelli ayant déjà, accompagné de la chanteuse Ann'so, élaboré un spectacle en hommage à Barbara, intitulé Ma plus belle histoire d'amour… Barbara). C’est que Roland Romanelli a été, durant vingt ans, le musicien, l’accompagnateur, l’arrangeur, l’un des compositeurs et … l’amant de Monique Serf, dite Barbara. Romanelli et Mai sont conjoints à la ville. Aussi, dans une mise en abyme revendiquée dès le début du spectacle, l’actuelle muse de Romanelli réincarne son ancienne compagne.

Romanelli, peu connu du grand public, est un géant de la musique. Enfant prodige, champion mondial d’accordéon à 15 ans, il débute, comme on l’a dit, avec Barbara. A ses côtés, il restera deux décennies, jusqu’à devenir le compositeur de certains de ses titres (Vienne, par exemple) et son directeur artistique. Il a aussi collaboré épisodiquement avec Serge LamaCharles AznavourMichel Polnareff, puis tenté l’aventure de la musique électro-psychédélique en France avec le groupe Space. La suite de sa carrière a plutôt pris la direction de la variété (arrangements), de la musique de film ou du travail pour la télévision (publicité, génériques, musique de séries …).

Le spectacle repose sur une déclamation de Roland Romanelli, interrompue d’images, d’extraits d’interview de Barbara et de reprises de ses chansons. Romanelli et un violoncelliste accompagnent alors Rebecca Mai qui interprète une vingtaine des tubes de la chanteuse. C'est donc un spectacle théoriquement rodé auquel nous assistions. Or il y a eu quelques couacs techniques à imputer sans doute à l'organisation du théâtre. La chanteuse Rebecca Mai est d'une grande beauté, d'une particulière élégance et - c'est sans doute volontaire – a quelques airs de Barbara (le même regard de charbon et la même chevelure noire de jais coupée court). Elle est une ancienne danseuse venue au chant plus tard. C’est ce qui explique à la fois son port altier et les quelques erreurs techniques et dissonances de son interprétation.

Les chansons de Barbara, dont on a tendance à oublier à quel point elles sont magnifiques, justifient à elles seules le spectacle. Monique Serf nous a quittés il y a vingt-cinq ans. C'était hier, mais aussi il y a une éternité. Chacun des quelque vingt titres repris nous a ému. Barbara est un « grand » quelque peu oublié (à l’instar par exemple de Claude Nougaro), tandis que d’autres artistes défunts, régulièrement célébrés, sont sans doute un peu surcotés.

Ce n’est que lors du rappel que Rebecca Mai et Roland Romanelli ont joué la chanson la plus connue de Barbara, L’Aigle noir, bien entendu. C’est alors qu’un chœur, dissimulé dans la salle, a accompagné, semble-t-il sans que les artistes sur scènes ne le sachent à l’avance, le refrain de cette merveilleuse création, suscitant une très grande émotion. Nous recommandons ce spectacle, qui permettra par exemple aux plus anciens de transmettre aux plus jeunes le goût de la dame en noir.

Par notre rédacteur et collaborateur Frédéric Casotti. Nos remerciements à l’émérite agent de presse Pierre Cordier – Une double exceptionnelle donnée au Théâtre de Passy, une institution théâtrale dynamique de l’Ouest parisien sis au 95, rue de Passy 75016 PARIS www.theatredepassy.frDécembre 2022

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Le Principe d’Incertitude
au Théâtre Montparnasse

Une pièce poignante - Rien n’est plus agréable pour le citadin et l’amateur d’art que de pouvoir s’extraire de ses pentes culturelles et habitudes de vie le temps d’une soirée, d’une exposition, d’un spectacle. Nous avons assisté le 29 septembre à une vive représentation du Principe d’incertitude de Simon Stephens, mis en scène par L.-D. de Lencquesaing, avec Laura Smet et Jean-Pierre Darroussin, au Théâtre Montparnasse.

Sis rue de la Gaîté, ce théâtre édifié en 1886 correspond en tous points aux symboles du théâtre traditionnel : balcons, orchestre, coupole, lustre géant, boiseries, velours écarlate. Il est d’ailleurs assez agréable de s’immiscer en ce début d’automne dans ce quartier provincial en diable de la gare Montparnasse et singulièrement dans cette rue dédiée à la distraction des gens venus d’ailleurs depuis près d’un siècle et demi.

La pièce débute à vingt heures pétantes. On reconnaît dans le public certaines célébrités venues sans doute applaudir les deux fameux comédiens, seuls en scène (il n’y a dans cette pièce que deux personnages, du moins deux personnages incarnés). Nous ne cachions pas un certain préjugé à l’idée d’assister à une pièce de théâtre traduite de l’anglais, non par anglophobie, sinon par désespoir de voir, dans notre pays de haute culture, une tendance générale à l’absorption, sans aucun effort de création, d’une littérature anglo-américaine menant à l’acculturation.

Or la lecture du dossier de presse nous enseigne que l’auteur quinquagénaire britannique est en réalité un dramaturge assez « pointu », prolixe et abonné à tous les codes et dignités de l’univers théâtral Outre-Manche. Le principe d’incertitude traite alors du sujet suivant : Alex (J.-P. Darroussin), Anglais de 75 ans, et Georgie (L. Smet), Américaine de 42 ans, « que rien ne devrait rapprocher » se rencontrent sur le quai d’une gare londonienne. Il s’ensuit un commerce et un récit que nous ne dévoilerons pas.

C’est le principe d’incertitude du physicien Heisenberg, dont nous laissons au spectateur le soin découvrir le contenu et le lien avec la présente pièce. Débute un récit fondé sur le dialogue entre les deux personnages, parfois serti de fulgurance, sans paroxysme mais avec de fort intéressants renversements. Une pièce vraie et forte, riche de sentiments et de sensations.

La mise en scène et les décors sont sobres et efficaces. Les intermèdes musicaux agréables. La structure exclusivement dialogale de la pièce constitue peut-être un handicap pour ces deux acteurs de cinémas, mais la présence de deux authentiques vedettes du grand écran n’a rien pour déplaire. L’on peut enfin regretter que la pièce fasse quelques concessions au progressisme, mais dans le monde du théâtre, l’inverse aurait presque été sacrilège.

Nous avons passé un agréable moment au cours de cette représentation à la fois populaire au sens le plus noble et intelligente. Par notre collaborateur Frédéric Casotti - www.theatremontparnasse.comOctobre 2022

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La Chute
au Théâtre de la Contrescarpe

Un hommage fidèle et réussi - Nous avons assisté à une belle représentation de La chute d’Albert Camus au théâtre de la Contrescarpe, mise en scène par Géraud Bénech, lundi 20 juin 2022. Il s’agit d’un sympathique petit théâtre sur un flanc de la montagne Sainte-Geneviève à Paris, à la programmation exigeante, comme on dit désormais. Redevenu contemporain des étudiants de la Sorbonne ou de Jussieu en goguette rue Mouffetard, nous avons suivi avec joie ce seul-en-scène vif de Stanislas de la Tousche.

La plupart d’entre nous connaît ce texte : le personnage-narrateur Pierre Clamence, ancien avocat parisien désormais domicilié à Amsterdam rencontre dans un bar un compatriote – rôle que nous, public, endossons – sympathise avec lui, lui propose une visite de la cité et lui déverse une narration-confession, en l’espèce, sa chute.

Deux événements majeurs précipitent la descente de l’ancien défenseur flamboyant, mégalomane et coureur : un soir à Paris, alors qu’il rentre chez lui, il s’abstient de porter secours à une jeune femme sur le point de se noyer dans la Seine. De même, automobiliste, a-t-il une altercation à un feu tricolore avec un motocycliste et un tiers qui le frappe, l’humiliant publiquement. Tel est semble-t-il le double commencement de son abaissement, tout le reste du monologue constituant une digression sur le triptyque culpabilité, justice, faille narcissique.

Stanislas de la Touche est un comédien sexagénaire de pur théâtre, spécialisé dans l’interprétation des œuvres de Céline, jusqu’à lui ressembler étrangement, le mimétisme entre l’auteur et l’acteur étant impressionnant, même lorsque ce dernier interprète un autre écrivain.

La mise en scène est sobre et poétique, mêlant à la déclamation musique et vidéos. La pièce dure une heure trente, sans entracte, dans un petit théâtre intime au confort rudimentaire. Nous n’avons pas pu déterminer si l’intégralité de l’œuvre de Camus est récitée par de la Tousche ou non, mais le spectacle n’est pas exempt d’une certaine longueur et on en sort un peu ivre de mots.

C’est une performance néanmoins, au sens propre, à laquelle on assiste (le comédien n’ayant pas hésité ou bafouillé une seule fois dans la restitution du récit de l’Algérois). Les admirateurs de Camus viveront cette représentation, si ce n’est déjà fait, avec délice. Les autres, dont nous faisons partie, se rappelleront que si Camus était un philosophe un peu convenu et désormais daté, il demeure un immense styliste et un très grand écrivain. Nous recommandons ce spectacle.

Une recension de notre collaborateur Frédéric Casotti. Photographies: Fabienne Rappeneau. Nos remerciements à Julien Wagner de HopFrog Entertainement -www.theatredelacontrescarpe.frJuiln 2022

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Le Tartuffe
au Théâtre Montansier de Versailles

Un classique revisité et atemporel - C'est une œuvre majeure du répertoire français qui a été jouée avec brio jusqu’au 6 février 2022 au théâtre Montansier de Versailles, sous la direction d’Yves Beaunesne, nous avons eu le plaisir d’y assister en duo.

Ce beau théâtre à l'italienne fut inauguré lors du règne de Louis XVI sous l’impulsion de Mademoiselle Montansier, dont il porte aujourd’hui le nom éponyme. Sa coupole s’élevant à une hauteur spectaculaire, d’où pend un lustre monumental, ses parois vert d’eau évoquent un palais pétersbourgeois. La ville Royale pâtit d’une réputation de vieille bourgeoise endormie qui la réduit souvent, pour les Parisiens, à sa dimension administrative et touristique, alors que la plus élégante des préfectures françaises jouit d’innombrables attraits et d’une authentique douceur de vivre à l’instar de ce magnifique théâtre. La concurrence de l’autre Tartuffe d’I. Van Hove, actuellement représenté à la Comédie-Française – encore qu’il n’ait pas excellente presse - n’a pas aidé ce spectacle auquel nous avons assisté jeudi 3 février.

Très grand classique et du théâtre français et « patron » de la critique de l’hypocrisie bigote, le Tartuffe de Molière narre ce qui suit: Orgon, un bourgeois s’est entiché d’un directeur de conscience qu’il est allé jusqu’à introduire dans sa propre maisonnée et lui promettre sa fille, jusqu’à instaurer le chaos en sa demeure et dans sa famille. Alerté par tout son entourage (sa mère, son épouse, son fils, sa servante), Orgon, en bon bourgeois perméable à toutes les fadaises, n’en a cure, chasse son fils et va jusqu’à faire de Tartuffe le légataire et le titulaire apparent de tous ses biens. Il lui remet également une cassette qu’un de ses amis en fuite lui avait laissée avant son départ précipité pour échapper à la vindicte royale, et qui compromet ce dernier (cet épisode évoque la Fronde et sa répression ultérieure).

Tartuffe tente alors de séduire Elmire, l’épouse d’Orgon. Cette dernière essaie d’alerter Orgon, mais son mari, sous l’emprise morale de son directeur de conscience, n’en tient aucun compte. Elle convainc alors son époux de se cacher sous la table afin qu'il puisse assister à une entrevue qui n'aura d'autre but que de révéler la véritable personnalité de Tartuffe. Ce dernier se livre alors à une cour assidue et rit d'Orgon. Le pater familias, contraint de croire ses yeux et ses oreilles, chasse Tartuffe. Le faux bigot, qui est désormais le propriétaire de tous les biens du bourgeois à la suite de la donation qui lui a été faite, chasse la famille et réclame même l’arrestation d’Orgon comme comploteur contre le Roi du fait du recel de la cassette. Alors qu’Orgon organise sa fuite dans la précipitation, un coup de théâtre survient: c’est Tartuffe qui est arrêté. En effet, le Roi, en récompense des services rendus jadis par Orgon, lui pardonne d'avoir conservé les documents séditieux et châtie Tartuffe, coupable d'un crime commis autrefois.

Ce classique, comme c’est désormais une règle presqu’absolue, est transposé à l’époque contemporaine, en l’espèce, et selon le metteur en scène, les « trente glorieuses » (sic). Cela, afin d’encrer la pièce dans une période précise, afin, toujours selon Beaunesne, « que [ce] chef-d’œuvre nous révèle de nouvelles significations quand on [lui] pose de nouvelles questions ». Ce n’est alors plus la bigoterie catholique qui est critiquée, mais le pharisianisme bourgeois de la société gaullienne d’avant 68. Pourquoi pas … Il y a pourtant tellement d’hypocrisie dévote purement contemporaine, ou de faux-semblants tout court. Mais il est plus facile de tirer sur des morts …

 

Il en résulte alors ici quelque chose de foncièrement hybride, en réalité non daté, non défini. Les costumes et les décors n’évoquent aucune époque en particulier (les Trente Glorieuse s’étalent en effet de la Libération au premier choc pétrolier de 1973). La pièce est entrecoupée d’intermèdes musicaux assez réussis, mais qui rappellent la musique religieuse (Stabat Mater, orgues, gospels) et redonnent donc à la pièce sa dimension anti-dévote que la mise en scène est réputée éclipser. Les comédiens, souvent blanchis sous le harnais, sont bons. Nos compliments iront à Noémie Gantier, dans le rôle d’Elmire, qui nous a particulièrement séduits par sa présence, son charme, son talent et sa très grande beauté.

 

Le spectacle, dépourvu d’entracte, dure 2 h 10. Or comme nous cessons de le répéter, si cette durée, sans interruption, est banale pour un public féru d’art dramatique, elle est importante pour les simples amateurs, dont nous sommes, et qui doivent continuer de représenter la masse des spectateurs (un art est par définition mort quand il ne parle plus, aussi, à tout un chacun). Frédéric Casotti pour GoutsetPassions. Nos remerciements s’adressent à Hanaé Rachmuhl – www.theatremontensier.com - Février 2022

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Le Passé
à Odéon - Théâtre de l’Europe

Une pièce magistrale - Il s’agit sans nul doute de l’événement théâtral de cette fin 2021 : Le Passé, d’après Léonid Andréïev, joué au théâtre de l’Odéon du 2 au 19 décembre, puis en tournée en province et à l’étranger jusqu’en mars 2023. La mise en scène est de Julien Gosselin, qui dirige pour ce spectacle la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur. Nous avons assisté à la représentation suivant la première, le 3 décembre 2021. Sous une pluie glacée, nous avons cheminé depuis le Carrefour de l’Odéon, après avoir pris une collation à l’avant-comptoir d’Y. Camdeborde, jusqu’à l’enceinte qui constitue la plus ancienne salle parisienne.

Il y avait foule et effervescence aux abords de ce ravissant théâtre au carrefour entre l’architecture de l’Ancien Régime – il date de 1782-, le temple grec et la halle de marché. Après que tout le monde eut pris place dans un désordre assez ahurissant, on s’aperçoit que c’est un spectacle hors-norme qui nous attend. Déjà, l’information sur sa durée – 3 h 50 hors l’entracte – affichée dès l’entrée de la salle est de nature à faire rebrousser chemin aux moins endurants ou aux moins passionnés.

Le spectacle débute. Tout est, nous le disions, extraordinaire, au sens étymologique du terme. D’abord, ce n’est pas une pièce de théâtre qui est jouée, mais un ensemble de textes de Léonid Andreïev. Cet auteur russe, suicidé en 1919, est tombé dans l’oubli, sauf peut-être chez les Russes ou chez les plus cultivés d’entre nous. Philippe Gosselin revendique ce choix et le corrèle à son titre : il est question pour lui de ressusciter quelque chose de complètement révolu. Il est vrai que cet auteur est le contemporain d’une époque d’éclipse pour la culture russe : entre le 19ème siècle de ses génies littéraires et l’avènement de l’URSS.

La pièce créée par Gosselin sur la base des textes d’Andréïev est divisée en neuf séquences, la césure intervenant après la sixième, constituant un entrelacs de pièces, textes et nouvelles de ce dernier (Ekatarina Ivanovna, Requiem, La Mer, l’Abîme, Dans le brouillard, La résurrection des morts), mais de manière non chronologique. Ainsi, Ekatarina Ivanovna, qui offre au spectacle son intrigue et ses personnages principaux, correspond aux séquences n°1, 2, 7 et 9. Ekatarina Ivanovna fait l’objet d’une tentative d’assassinat de la part de son mari député à la Douma, pour l’avoir prétendument trompé, ce qui est faux (en tout cas dans un premier temps).

C’est ensuite la mise en scène et le luxe de moyens qui sont exceptionnels. Le décor et les costumes sont somptueux, nombreux, variés, parfois mêmes superfétatoires, pour un simple intermède. A cela s’ajoute de la musique, de la vidéo, des textes lus ou écrits sur des écrans. Il y a quelque chose de dantesque dans cette mise en scène pléthorique, que seule l’absence de rentabilité exigée du théâtre national permet, sans qu’il y ait dans nos mots une once de polémique. Certes, la durée peut rebuter, surtout dans une salle de spectacle fort ancienne, assez dénuée de confort. Mais il est un certain niveau où la qualité requiert la quantité : on n’atteint point le baroque, l’extraordinaire et l’inouï par l’économie.

Bien entendu, le spectacle n’est pas dépourvu de défauts, dont certaines concessions à l’époque (dont le thème principal de la pièce: la violence faite à une femme). Or quand bien même le texte aurait-il un siècle, cela raisonne un peu comme une tarte à la crème de nos jours. Gosselin nous épargne la tendance actuelle consistant désormais à ôter les œuvres anciennes de leur contexte et décor historiques pour les transposer en Postmodernie. C’est néanmoins le passé que Le Passé met en scène. Le hiatus entre l’ancienneté de la salle et des écrits, d’une part, le caractère technologique de la mise en scène, d’autre part, accentuant le caractère suranné du texte.

Il faut être authentiquement féru de théâtre contemporain pour jouir sans réserve du spectacle, encore que les concessions aux classicismes soient nombreuses. Une immense émotion fut néanmoins ressentie tout au long de ces quatre heures. On en ressort, exténué, hagard, fourbu, interrogatif mais heureux et content d’avoir vécu un très grand moment de théâtre empreint d’une virtuosité devenue rare. Nous recommandons l’œuvre, sous les réserves que nous avons introduites. Frédéric Casotti pour GoutsetPassions. Nos remerciements à Valentine Bacher. Le Passé, une pièce choc et grandiose à voir à Odéon Théatre de l’Europe 2, rue Corneille 75006 Paris 75006 Paris France – www.theatre-odeon.frDécembre 2021

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Les Romanesques
au Théâtre du Ranelagh

Une célébration des arts français - Nous avons assisté le 21 octobre 2021 à la représentation de la pièce Les Romanesques d’Edmond Rostand, au Théâtre du Ranelagh, dans une adaptation et une mise en scène de Marion Bierry, avec Sandrine Molard, Alexandre Bierry, Gilles-Vincent Krapps, Serge Noël et Thiery Ragueneau.

L’origine du théâtre du Ranelagh remonte au règne de Louis XV, quand le fermier général Alexandre Jean Joseph Le Riche de La Popelinière a fait édifier dans son domaine de Boulainvilliers un théâtre privé. Un siècle et demi plus tard, le constructeur automobile Louis Mors en acquiert une large partie sur laquelle il fait construire en 1894 un hôtel particulier ainsi qu'un salon de musique. Si l’hôtel particulier est par la suite détruit, la salle de musique subsiste et est transformé en cinéma en 1931. L’endroit est, depuis une cinquantaine d’année un théâtre, sans doute un des plus beau de la Capitale. Dans ce quartier sans doute moins animé, nous avons eu grand plaisir à nous asseoir dans cette enceinte capitonnée et toute de pourpre enrobée, à deux pas de la Maison de la Radio et du pont Mirabeau conté par Apollinaire.

Il s’agit de la première pièce de l’auteur de Cyrano de Bergerac, une comédie en trois actes et en alexandrins jouée pour la première fois à la Comédie-Française le 21 mai 1894. Un mur sépare les jardins de deux hommes qui se détestent, Bergamin et Pasquinot.  Mais Percinet et Sylvette, leurs enfants s’aiment, tels Romeo et Juliette, et se retrouvent chaque jour près du mur en cachette. En réalité, la haine entre les deux pères est un subterfuge pour que les jeunes gens, à l’esprit trop « romanesque », tombent amoureux et se marient permettant la réunion des deux fonds. Les deux pères imaginent un faux enlèvement pour rendre possible la réconciliation entre eux. Tout se passe comme prévu, mais quand ils avouent aux deux jeunes gens leur machination, le mariage est alors compromis. Et comme ne manipule pas qui croit, les parents de Rostand pourraient bien, ici, être dupés à leur tour.

Il s’agit, comme nous l’avons dit, de la première œuvre d’Edmond Rostand, avec tous les défauts attachés à cette nouveauté et à cette primeur. L’œuvre est en effet par trop classique voire trop romantique, mais le génie de l’auteur crève d’emblée les yeux. Quelle virtuosité dans l’écriture et la maîtrise de la langue. La pièce est brillante, avec un alliage parfait entre le rire et de la rime, le comique et le lyrisme. D’emblée, le titre est une antiphrase, s’agissant d’une pièce en vers.

A cet égard, la jouissance que procure le texte est accrue par le talent des acteurs, notamment Alexandre Bierry. A la fois comédien et pianiste, le jeune homme, dont la carrière oscille entre le théâtre le plus « pointu » et les séries télévisées grand public, nous offre une prestation des plus réussies et jouissives, incarnant à la perfection le jeune romantique aux confins du freluquet … La mise est scène est également remarquable, virevoltante et très drôle… Musicale, aussi, avec des interprétations au piano d’Alexandre Bierry ou une parodie de chanson de Johnny à la guitare.

La pièce débute à 21 heures, et ne comporte pas d’entracte, ce qui permet de dîner avant tout en rentrant à un horaire point trop tardif. Nous avons passé un très agréable moment et recommandons vivement ce spectacle. Nos remerciements à Frédéric Casotti notre rédacteur et à l’émérite Pierre Cordier, agent de presse spécialisé. Une pièce enjouée à voir au Théâtre Le Ranelagh, 5 Rue des Vignes, 75016 Paris, France - www.theatre-ranelagh.comOctobre 2021

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La Course des Géants

Une belle pièce cinématographique - A la sortie de ces confinements à répétition, quoi de mieux qu’une nouvelle pièce de théâtre vous donnant une gentille claque, histoire de vous remettre dans l’émotion vraie? Cette pièce, c’est La Course des Géants, dernière création de l’auteure et scénariste française à succès Mélodie Mourey, qui s’est faite remarquée par sa pièce dramatique et historique Les Crapauds Fous (3 nominations aux Molières 2019).

 

Nous retrouvons avec plaisir le Théatre des Béliers, qui présente une autre pièce d’équivalente qualité, Le Porteur d’Histoire d’Alexis Michalik, sur laquelle nous avions écrit en ces pages. Passe sanitaire accepté, nous retrouvons cette jolie salle rouge où seul l’inconfort des sièges sera le petit bémol de la soirée. On notera l’effort tarifaire fait pour les habitants du 18ème.

 

Mélodie Mourey signe ici à nouveau un succès flagrant, mariant avec dextérité les jeux de lumière, les multi-personnages et ces écrans interactifs qui vont donner cet effet cinématographique unique à cette pièce dense et choc. Un jeu subtil de flashbacks et de forwards qui va rythmer cette scénographie devenant un spectacle à elle seule, mélant dualité de ses acteurs-personnages et duplicité des espaces-temps. On en redemande tellement cela fonctionne bien. C’est la première fois que nous vivons l’émotion d’un film plus vrai que nature, la pièce est en soi un petit bijou.

 

Le propos de la pièce est fort, il est aussi singulier. C’est l’histoire d’un jeune américain, qui d’une enfance difficile s’est retrouvé pizzaiolo pour enfin devenir astronaute à la NASA. Tout cela mêlé d’espionnage, de KGB et de cette atmosphère américaine si particulière et attachante des années 60.

Toute la pièce est une grande fresque historique et personnelle contée, avec ses rebondissements et ses happenings, on y retrouve le style d’une écriture américaine (bien que française), surtout lorsque celle-ci se transforme en comédie musicale, nous sommes dans West Side Story.

La pièce est un grand uppercut, un choc visuel et sensoriel, une nouvelle narration théâtrale est née. On se la prend en pleine face, brute, comme si nous revenions sur un ring après des mois d’absence. Une pièce rafraîchissante en ce mois estival. Une comédie dramatique qui prend aux trippes, avec une happy end joyeuse.

Les acteurs sont tous d’une qualité soignée, aux métamorphoses millimétrées signées Olivier Prost, nous sommes presque dans la prestidigitation, on s’amuse. Dans ce jeu dynamique, se distinguent trois comédiens, Jordi Le Bolloc’h qui joue le jeune Jack Mancini, gros bras et surdoué en même temps, qui rêve d’autres horizons et surtout d’espace. On dirait Rocky revêtu de l’émotion d’un James Dean. Il tonne fort, il transperce les coeurs, son jeu est impressionnant de vivacité.

 

En alter ego parfait, le fin psychologue, un peu traître certes, joué avec brio par Eric Chantelauze, il tient lui aussi la pièce à lui seul. Un jeu perçant et racé. Enfin, le comédien Nicolas Lumbreras qui ne cessera de nous étonner par son grand écart de rôles contigus, tant comique que froid, qu’il exécute à la perfection. Le salut final de la salle est à la hauteur de la vitalité de cette pièce à ne pas manquer à Paris.

 

Pour cette belle découverte, nos remerciements s’adressent à l’agent de presse spécialisé Guillaume Andreu. Crédits photos: Alejandro Guerrero. Le Théâtre des Béliers Parisiens, un théatre qualitatif établi avec panache au 14 Bis Rue Sainte-Isaure 75018 Paris - www.theatredesbeliersparisiens.com - Août 2021

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Colors
au Théâtre de la Pépinière

L’improvisation réussie - Les soirs passent mais ne se ressemblent jamais, chaque dimanche l’équipe de Colors nous invite au Théâtre de la Pépinière pour nous faire découvrir des spectacles différents mais toujours aussi drôles. Le principe est simple, cinq comédiens viennent nous faire rire et partager un moment complice avec le public sous le thème de l’improvisation. C’est donc en ce mois de mars que nous nous rendons au cœur de Paris, dans le quartier de la Madeleine, dans ce théâtre intime et charmant pour découvrir le spectacle d’humour culte depuis maintenant douze ans !

Véritable bijou de l’histoire du théâtre parisien, le Théâtre de la Pépinière est inauguré en 1919 et s'est transformé au fil des années en scène de music-hall, de comédies et même en cinéma. Nous nous apprêtons à vivre un moment unique, enfermées dans une bulle joyeuse et sympathique, en plein Paris. Après avoir flânées dans les longues rues pavées de la capitale, entre l'Opéra et l'Olympia, nous voilà installées, assises au centre de la salle en face du célèbre rideau rouge. Avant de voir arriver sur scène la fine équipe de Colors, c’est les élèves de l'Ecole française d'improvisation qui donnent le ton. Un mot décrié par le public suivit par une improvisation haute en couleurs : voilà sur quoi démarre le show qui promet de nous étonner. Après 30 minutes de fou-rires avec l’Ecole d’improvisation, la troupe pétillante arrive sur scène pleine d’audace et de hardeur.

Ce soir nous avons la chance de découvrir cinq couleurs différentes, toutes au style distinct : orange, blue, turkoise, purple et coral. Mais attention, ils ne sont pas seuls sur scène... Les scénaristes, en fait, c’est nous. Avant de rentrer dans la salle chaque spectateur écrit sur un papier de la couleur qu’il désire, un sujet qu’il aimerait voir mis en scène par la troupe. Tout le long du spectacle chaque comédien tirera au sort un papier à sa couleur et nous proposera une improvisation riche en émotions.

Colors, c’est une réelle explosion de couleurs, de rire et de musique qui nous fait du bien ! Il se crée une vraie fusion entre spectateurs et comédiens qui nous font rire tout simplement. Concept innovant et audacieux, c’est un vrai plaisir de découvrir le spectacle en même temps qu’eux pour partager un moment si unique et intime. Chaque public et chaque soir sont singuliers brisant une routine qui ne s’épuise jamais. L’improvisation est sans cesse actualisée et se présente toujours sous de multiples facettes. Le groupe est en parfaite harmonie et ne manque jamais de nous amuser et de nous surprendre. Vent de fraîcheur en pleine capitale, Colors se présente comme un spectacle à ne pas rater.

Evasion, charme et sourires s’emparent de la salle pour un moment à la fois incomparable et curieux. Tous les dimanches, un guest comédien, humoriste, musicien ou personnalité médiatique devient Miss ou Mister White et s'aventure avec panache à l'art de l'improvisation, vivement entouré par la joyeuse troupe colorée. Kev Adams, Pascal Légitimus, Bérénice Béjo, Arnaud Ducret, Valérie Karsenti, Michel Boujenah et bien d’autres se sont déjà plongés dans cette folle histoire théâtrale. Rencontre parfois drôle, imprévisible, surprenante ou bien piquante, le spectacle est mené par les rebondissements toujours plus décalés les uns que les autres.

Pour cette joyeuse découverte parisienne, nous remercions l’agent de presse spécialisé Vincent Serreau. Révélation humoristique, Colors est un spectacle à ne (surtout) pas manquer et à consommer sans modération, tous les dimanches à 21h au Théâtre de la Pépinière, 7 Rue Louis le Grand, 75002 Paris - www.theatrelapepiniere.com et www.colorsimpro.com - Mars 2020

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Les feux de l'amour et du hasard
au Grand Point Virgule

Une comédie drôle et audacieuse – La comédie presque française nous présente une pièce de presque Marivaux sur une presque histoire d’amour, pour nous faire (re)découvrir toute la saveur d’un texte comique indémodable dans une version soap opéra. Qui aurait cru que les Feux de l’amour mêlés à une comédie du 18ème siècle pouvaient faire bon ménage ? En effet, il est rare de voir une troupe de théâtre s’attaquer à une pièce si connue et reconnue, c’est donc avec enthousiasme et étonnement que nous nous donnons rendez-vous en ce dimanche soir de janvier au Théâtre du Grand Point Virgule pour aller admirer la pièce de La Comédie Presque Française, Les feux de l’amour et du hasard. Nous nous retrouvons face au théâtre, niché entre les tours parisiennes du quartier de Montparnasse avec la hâte de découvrir comment Marivaux se réécrit à l’ère des séries télévisées américaines.

Plaisante et conviviale, la grande salle que le Grand Point Virgule nous accueille. Théâtre renommé pour ses spectacles d’humour, le Grand Point Virgule crée en 2012, offre aux comédiens et humoristes un grand espace de liberté artistique. Depuis son ouverture, le théâtre a accueilli plus de 700 000 spectateurs et donné près de 2 500 représentations. Elie Semoun, Alex Lutz, Bérengère Krief, Desperate Housemen, Walter, Vérino… autant d'artistes qui ont contribué au succès incroyable de ce lieu, devenu la nouvelle référence incontournable du spectacle parisien. Ayant vu marcher sur ses planches les plus talentueux comédiens, cela nous promet un spectacle de grande envergure et de qualité. Placées proche de la scène, nous sommes fin prêtes à observer les péripéties de Victoria et de sa servante de plus près. Episode 4731 des Feux de l’amour et du hasard, rien ne va plus au ranch de Bob Flanagan où les valets se déguisent en maîtres et où les histoires d'amour se croisent. Victoria et Brandon sont promis l’un à l’autre mais tous deux ont décidé de piéger l’autre et de se travestir pour pouvoir observer comment leur promis se comporte. Mais comment cette histoire va-t-elle se finir ? Se rendront-ils comptent de la supercherie ? Suspens ! C’est ce que nous allons découvrir dans cette pièce, mettant en scène les coulisses de la production d’une des séries télévisées les plus connues. Victoria, Brandon, Kimberley, Dick, Bob et Bob junior, heureux protagonistes de cette série à succès (et adulée à l’international bien sûr) nous promettent de folles aventures et nous font rire dès le lever de rideau. C’est sur un air de piano mélancolique accompagnant une voix grave et sensuelle qui nous rappelle les péripéties de l’épisode précédent, que la première scène débute. Le ton est lancé, nous allons assister à une histoire chavirante et dramatique ! La caricature s’annonce hilarante et malicieuse.

La comédie presque française est une troupe presque culturelle qui a vu le jour en 2017 sur la chaîne Comédie +. Son but ? Recréer des grands classiques de la comédie française et internationale pour les rendre plus accessibles et les transformer en pièces actuelles et pétillantes. Mêlant actualité, pop culture et classique, la première saison de la troupe a vu naître Dom Juan les Pins ainsi que l’Ecole des Naans de presque Molière. Une chose est sûre, leur énergie et leur talent nous font fondre pour la comédie et nous font redécouvrir les plus grands classiques sous un angle drôle et nouveau.

Nous avons adoré le jeu naturel et explosif de chaque comédien qui ont chacun réussi à jouer en simplicité leurs rôles bourrés d’artifices, pour nous livrer une performance encore plus vraie et d’autant plus drôle. Nous saluons les prestations de Victoria et Kimberley qui mènent la pièce, chacune à leur manière, avec vigueur. Scotch Brit et Diana Laszlo sont des habituées de la scène et de l’humour, l’une membre des Airnadette et l’autre ayant flirté avec les prestigieux Théâtre de Chaillot et du Cent Quatre, elles mêlent leurs talents pour nous offrir un véritable show plein d’énergie.

Si les acteurs sont remarquables, il n’en est pas moins de la mise en scène et des costumes qui nous ont plongé dans l’univers coloré du feuilleton à succès. Célia Pilastre et Crystal Sheperd-Cross, metteuses en scène, sont aussi actrices dans la vie, cela se ressent car le jeu est fluide, elles réussissent ici à traduire la fantaisie, l’humour et l’esthétique des comédiens. Catherine Cosme et Alexia Crisp-Jones, quant à elles, parviennent à retranscrire l’humour de la pièce à travers un décor et des costumes pleins de finesse, de couleurs et d’élégance.

C’est un moment tendre et délicieux que nous avons passé en compagnie de cette charmante et talentueuse troupe qui nous a montré que le texte de Marivaux est toujours d’actualité et indémodable. La pièce est d’autant plus intelligente et audacieuse qu’elle arrive à mêler le texte original ; et réussi à le transporter à notre époque ; avec un langage familier et moderne. Vous l’aurez compris, la soirée oscille entre humour et amour éclairé pour le texte de l’auteur du 18 ème siècle.

C’est sur la musique I like it like that de la rappeuse Cardi B que la pièce se termine tout en vitalité sous les applaudissements d’une salle conquise encore pleine de sourires. Pour cette remarquable et tordante découverte nous remercions l’attaché de presse Guillaume Andreu. Pour connaître la suite, rendez-vous au prochain épisode, au Grand Point Virgule du mercredi au samedi à 19h30 et le dimanche à 19h, 8 bis rue de l’arrivée, 75015 Paris - www.legrandpointvirgule.comJanvier 2020

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Rouge
au Théâtre Montparnasse

Une grande pièce bâtie en duel singulier – Sous l’aimable invitation de l’agent de presse émérite Pierre Cordier, nous nous rendons tous joyeux dans ce haut lieu et quartier animé des spectacles parisiens, la fameuse rue de la Gaïté laquelle brille aux côtés de la Tour Montparnasse de par son dynamisme théâtral indéniable. C’est dans la douce fiéveur des réjouissances de Noël que nous avons hâte d’aller voir une pièce haute en couleurs dont le Tout-Paris parle déjà: Rouge.

 

Nul étonnement à un tel engouement médiatique et populaire, voyons l’affiche: une pièce anglo-américaine célébrée outre-Atlantique (avec 6 Tony Awards, l’équivalent américain de nos Molières), servie à propos par un mastodonte du théâtre et du cinéma français: l’indomptable ténor Niels Arestrup.

 

Avec un tel casting de haut vol, il y a foule ce soir là malgré les grèves parisiennes, sous les ors du Théâtre Montparnasse, institution parisienne du grand art théâtral français. Nous pénétrons pour la première fois cette année dans la grande salle jaugeant 715 places, ouverte en 1886 et construite par l’architecte Charles Peigniet, qui contribua également à la Statue de la Liberté à New-York, joli clin d’oeil à la pièce de ce soir. Une grande salle parisienne placée sous la dynamique direction de Myriam Feune de Colombi, de la Comédie-Française, directrice et propriétaire du théâtre depuis 1984.

 

Bien placés en orchestre (merci Pierre), nous pouvons admirer les balcons comme à l’opéra, assis avec confort dans d’épais fauteils rouges. Se présente à nous une grande scène, ouverte sur un atelier d’artiste immense, les briques apparentes sont une évocation certaine de New-York, ville d’adoption de nombreux artistes américains. Nous sommes ici dans l’antre de l’ogre, le Mark Rothko peintre superstar de son époque. Le décor vintage Années 50 sera le cadre unilatéral, immuable d’un espace-temps linéaire, abstrait et unifié, celui de la vie de l’artiste à son firmament, le célèbre peintre américain à l’apogée de sa carrière.

 

Il n’y avait nul autre pour incarner mieux ce personnage complexe, égocentrique et déchiré que Niels Arestrup qui le joue avec force, courage et vigueur. La pièce s’ouvre sur une scène unique, monologue vivant de l’artiste tourmenté recherchant la vérité par l’art, comme idéal inatteignable de la transcendance de son sujet. Rothko est planté ici tel un géant colossal, fort de son expérience de la vie, de sa sagesse rusée mais aussi de son désenchantement du monde.

 

Le jeune Alexis Moncorgé a la lourde tâche de lui tenir tête, d’assurer la contradiction de la jeunesse (rebelle) face au maître, incarnant le frêle assistant Ken, avide d’apprendre et trop heureux de côtoyer un tel génie vivant. La leçon peut commencer, on verra le personnage de Ken progressivement monter en puissance, se révélant à soi et aux autres, devenant pas à pas apte à tenir tête au personnage de Rothko. On pourra, seul bémol à cette pièce, toutefois regretter le manque d’énergie qu’il aurait fallu plus vive pour être à l’équivalence de la force déployée sur scène par le grand Arestrup.

 

Toutefois, la pièce est d’envergure et appréciable, tant par sa plénitude que son caractère achevé. Les silences sont d’or, ils posent le personnage du peintre américain dans sa profondeur et sa complexité. Le jeune Ken, maladroit et naïf, fait les frais du courroux du maître. Progressivement, l’évolution psychologique des personnages se met en marche, renversant le Ken soumis en Ken subversif, attaquant le positionnement capitaliste de l’artiste qui corrompt son art et son intention de création pure.

 

Il est question de cette commande gigantesque faite à Rothko pour décorer les murs d’un grand hôtel de New-York, une tour érigée en fier symbole du capitalisme américain que devrait honnir Rothko le maître de l’abstrait figuratif. Les immenses toiles, leurs couleurs rouges vives marquent cet abîme et donnent libre cours aux intellectualisations de l’art du duo. On s’adonne à la philosophie de l’art, à son dépassement et les joutes orales deviennent vite des duels idéologiques.

 

Tragique et émotion se mêlent, force et intensité sont présents sur scène avec ferveur. On s’immerge dans cette love story qui n’en est pas une, nous voilà plongés dans un voyage temporel et émotionnel réussi et vivifiant. La peinture projetée à terre et sur les deux protagonistes, rouge sang, marque la fin de l’art tel que conçu par Rothko, cédant peu à peu au pas du modernisme consumériste américain qui avale le grand artiste par cette commande importante, devenant à part entière un produit de consommation, maillon consentant du système qu’il honni.

 

Saluons la mise en scène de Jérémie Lippmann, qui astucieusement, met en valeur ces toiles immenses et magistrales. Le rouge est partout, il sera même peint sur scène, laissant libre et sauvage l’oeuvre créatrice, une création dans la création. L’adaptation française de Jean-Marie Besset est réussie, fidèle au texte de John Logan. On aurait peut-être attendu plus de langage élaboré que certains mots communs mis dans la bouche de Niels mais c’est probablement lié au personnage.

 

Une telle grande œuvre est servie par une dream team: John Logan, auteur américain à succès. Il n’est autre que l’auteur ou co-auteur des films Gladiator de Ridley Scott, d’Aviator de Martin Scorsese ou du James Bond Skyfall de Sam Mendes. Rouge (Red) est présentée en décembre 2009 à Londres, elle sera reprise à Broadway avec grand succès. Logan signe aussi la pièce Peter et Alice en mars 2013, jouée par Judi Dench et Ben Whishaw, rien que cela.

 

Jean-Marc Besset adapte Red en français avec brio et se partage entre Paris et New-York, nommé 10 fois aux Molières, c’est un auteur émérite. Il a écrit notamment La Fille du RER d’André Téchiné, pour Alain Resnais, on sent dans ce texte sa fibre humaine profonde. Niels Arestrup n’est plus à présenter, il est l’un des derniers géants du théâtre et du cinéma français. Consacré en 2006 par un César pour De Battre Mon Coeur s’est arrêté, ainsi qu’avec Quai d’Orsay en 2013. Alexis Moncorgé est révélé en 2015 par une nomination aux Molières pour Au Bonheur des Dames de Zola et obtient un Molière pour Amok de S. Zweig qu’il a adapté pour le théâtre, il joue ici un rôle avec audace et talent.

 

L’actrice et mannequin Marie Selepec-Wagener qui nous accompagne ce soir là partage son émotion sur cette pièce: Rouge est une pièce en un seul décor où planent mille dangers. L’atmosphère angoissante tient en haleine jusqu’à la fin et nous n’avons pas envie de perdre une goutte de leur discussion qui donne à réfléchir sur notre propre vie. Niels Arestup excelle dans ce rôle de peintre torturé -rouge-, vif et imprévisible, il porte la pièce jusqu’à ce que son élève(/assistant) se révèle et crée la surprise. Lui qui lance des cris sourds dès le début, à peine perceptibles, discret et poli envers son «maître», explose telle une bombe à retardement et c’est à ce moment qu’Alexis Moncorget dévoile un jeu intéressant et complexe.

 

Une pièce à la fois dure et tendre, marquée par un intellectualisme et un doux romantisme mêlés, évocation d’une relation père-fils sublimée par l’art et sa confrontation au réel moderne. Certainement l’une des pièces marquantes de 2019 vues à Paris. Si nous nous attendions à encore plus de prestances égales entre les deux acteurs, le résultat est doux, fort et plaisant, vif et riche d’émotions sincères. Du grand art scénique.

 

Une grande fresque historique qu’il fait bon de voir en ces périodes de fêtes, tant par sa chaleur humaine que sa ligne directrice créatrice. Une pièce rare qui nous laisse un souvenir marquant de ce jeu adroit entre l’ancien et le moderne. Niels Arestrup signe ici très certainement l’un de ses plus grands rôles au théâtre. Tel un Rothko, il est au sommet de sa carrière, un grand artiste.

 

Pour cette belle découverte théâtrale, nos remerciements s’adressent à l’agent de presse spécialisé Pierre Cordier. Photographies J. Stey. Rouge, une pièce magistrale à découvrir au Théâtre du Montparnasse sis au 31, rue de la Gaité 75014 Paris - www.theatremontparnasse.comDécembre 2019

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Un Amour pour Rire
au Théâtre de la Boussole

Quand l’imaginaire l’emporte – Nombreux sont les voyageurs à prendre la direction de la Gare du Nord chaque jour et autant d’amoureux de l’art dramatique attendent le prochain départ au Théâtre de la Boussole. Un dimanche d’automne, nous prenons rendez–vous avec une pièce pas comme les autres: Un amour pour Rire, une création originale signée Pierre François Dupont Beurier et mis en scène par Rodolphe Sand. Ce dernier a d’ailleurs remporté en 2014 le prestigieux Prix Molière du meilleur spectacle comique avec la célèbre pièce  à grand succès Le Dernier coup de ciseaux, également publiée en ces pages. Notre curiosité sur l’intitulé de notre pièce du jour s’accentue avec son affiche. Les deux chaises vertes, nous rappellent avec certitude celles du Jardin du Luxembourg, devenues incontournables dans le patrimoine parisien et français.

Lorsque nous pénétrons dans l’intime et chaleureuse salle de représentation, un homme et une femme sont déjà là, sur scène et assis sur ces mêmes chaises (à l’instar des pièces de Michalik). Les protagonistes interprétés par Laetitia Vercken et Fabrice Fara flânent, un dimanche, dans un parc. La première, formée au cours Florent, s’est fait connaître du grand public dans la série télévisée Plus belle la vie et sur les planches grâce aux pièces La mort, le moi, le nœud ou encore La chaise d’Antiochus. Son partenaire lui aussi n’en est pas à son premier coup d’essai dans la comédie. Dans le passé nous pouvions le retrouver dans Les femmes d’abord ou Méditerranée. Il a aussi prêté sa voix dans les films et séries Hunger Games, la révolte et Chicago Police Department ou Prison Break etc. Il est l’une des voix françaises de Jim Parsons, Colton Haynes et Nicholas D’Agosto. Et sur les planches, les deux prouvent à merveille leur riche curriculum vitae, forts d’une éloquence atypique.

Le silence et le noir se font dans les rangs du Théâtre alors que les certains spectateurs s’affèrent à trouver leurs sièges. De suite nous comprenons que ces personnages de sexe opposé ne se connaissent pas. L’homme à notre gauche semble préoccupé et attristé au contraire de sa voisine qui plonge profondément dans son livre, pensées et fantasmes les plus fous. Tous deux sont déçus par l’amour…. Mais il semblerait qu’ils aient trouvé la solution aux peines de cœur.

Avec la complicité du public, nos deux héros se lancent à corps et à cœur perdu dans un jeu que l’on pourrait au départ qualifié d’enfantin. Sous nos yeux, ils se construisent leur  histoire idéale, leurs rendez vous et conversations et rêvent ensemble hebdomadairement. Nous sommes à la fois intrigués, passionnés et admiratifs des ces deux personnes que tout opposent et pour lesquels le hasard a bien fait les choses. Nous assistons à ce coup de foudre inattendu où pour chaque rendez vous, au fil des saisons et du récit des comédiens nous créons notre propre histoire et nous laissons notre imagination s’occuper du reste. Nous nous éprenons d’affection pour ce couple d’amis, d’aventuriers mais surtout ces amoureux des belles phrases, traditions et bons moments. Mais surtout ces rêveurs nous permettent de croire encore au grand amour et à ces belles romances. Tiraillé entre le rire et le suspens, chaque spectateur devient acteur et témoin d’un amour imprévu.

Nous aimons ces pièces où le décor est simple, où les acteurs sont forts d’histoires originales, passionnantes et enivrantes. Nous soulignons l’original scénario qui nous emporte au-delà des limites des planches. Notre coup de cœur s’adresse à cette idée qu’aucun meilleur décor ne remplacera notre imaginaire et rêvons nous aussi d’«Un amour pour rire». Nous saluons l’immense talent Laetitia Vercken et Fabrice Fara. Nous espérons renouveler notre visite au Théâtre de la Boussole situé au 29 rue de Dunkerque 75010 Paris, lieu où les pièces les plus imprévues ne laissent personne de marbre. Enfin nous remercions l’agent de théâtre spécialisé Pierre Cordier pour les invitations et Célia Baroth pour la rédaction de cet article. - www.theatre-la-boussole.com - Décembre 2019

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Edmond
au Théâtre du  Palais Royal

Aux origines d’un classique théâtral – Il est 21 heures. La nuit est tombée sur la capitale et une pluie automnale pousse les parisiens à se retrancher dans les restaurants du 8ème arrondissement.  A l’angle des rues Montpensier et Beaujolais, les grandes lettres rouges du Théâtre du Palais Royal brillent et appellent à rentrer dans ce lieu historique. Élevé en 1637 par le Cardinal de Richelieu, la troupe de Molière a longtemps foulé les planches de ce théâtre mythique. Nous y entrons, découvrons ce haut lieu de l’art dramatique et nous sentons émus d’y prendre place le temps d’une pièce, celle d’Edmond mise en scène par le renommé Alexis Michalik.

 

Fils d’un artiste peintre d’origine polonaise, c’est dans le rôle de Roméo qu’il fait ses premiers pas en tant que comédien, en 2001. Véritable couteau suisse, il s’adonne à l’écriture remarquée de nombreuses pièces à succès et fait des apparitions sur grand et petit écran. On découvre notamment Alexis Michalik dans la série Diane, femme flic mais aussi Petits meurtres en famille ou encore Terre de lumière. Au cinéma, il a participé aux films L’âge de raison, L’autre Dumas, Des gens qui s’embrassent. Et depuis 2012, il incarne le personnage Damien dans la série Kaboul Kitchen sur Canal +. Son premier romain, Loin, vient de paraître aux éditions Albin Michel.  Après Le Porteur d’Histoire ou encore Le Cercle des Illusionnistes dès pièces qualitatives à grand succès à Paris sur lesquelles nous avons écrit en ces mêmes pages, Alexis Michalik met à l’honneur Cyrano de Bergerac et surtout son auteur : Edmond Rostand. Une pièce qui a reçu 5 Molières en 2017, dont celui du meilleur spectacle. Rien que ça !

La salle est pleine. Nous nous installons dans les fauteuils rouges historiques, non loin de la scène.  Avant même que la scène commence, nous apprécions cette proximité avec les acteurs qui se trouvent déjà là, sur scène. En attendant que les derniers spectateurs s’installent, nous prenons le temps d’admirer avec précision l’immense et somptueux lustre qui se dresse au dessus de nos têtes. Un silence s’instaure dans la salle. Les regards se dirigent vers la scène. Silence, la pièce commence. Nous sommes en décembre 1897, à Paris. Nous prenons connaissance avec Edmond Rostand. Ce dernier est victime du syndrome de la page blanche. Ce poète doit pourtant retrouver au plus vite son inspiration pour satisfaire les besoins de sa femme et de ses enfants. Désespéré, il propose tout de même à Constant Coquelin de jouer dans sa future et nouvelle pièce…. qui n’est pas encore écrite.

Immédiatement nous sommes pris de compassion et d’angoisse pour ce talentueux poète, au physique ordinaire et étrangement attachant par ces mots. Nous parcourons avec lui, au gré des changements rapides des décors, sa quête d’inspiration. Sur scène, aux côtés de Benjamin Wangermee qui interprète Edmond, une dizaine d’autres comédiens. Ensemble, ils nous content cette incroyable histoire de l’écriture d’une des plus grandes pièces de la dramaturgie française : Cyrano de Bergerac. Nous comprenons que cette histoire tant étudiée dans les établissements scolaires n’a pas été écrite au hasard… bien au contraire ! C’est au fil de ses rencontres et de ses péripéties amicales, sentimentales et professionnelles qu’Edmond Rostand réussi à écrire, noir sur blanc, les célèbres vers qui traverseront de nombreuses générations. Lui aussi, comme son héros, a soufflé les plus beaux mots à l’oreille de son ami Léonidas Volny qui voulait séduire la belle Jeanne. Et toujours comme son héros, lui aussi s’est fait prendre à son propre jeu, à sa correspondance épistolaire. C’est avec une grande curiosité que nous suivons l’écriture de la tirade, des différents actes, de la scène du balcon ou du combat. Tout y est. Nous aimons suivre cette romance épistolaire, nous nous perdons entre le réel et l’art théâtral.  Les magnifiques costumes nous plongent à la fin du 19ème siècle.

Nous avons beaucoup apprécié cette pièce. Quel plaisir de (re)découvrir l’œuvre culte d’Edmond Rostand avec ses coulisses et ses intrigues d’écriture. Nous soulignons le talent des comédiens et adressons notre coup de cœur au talentueux Benjamin Wangermee. Cette pièce nous a procuré beaucoup d’émotions et d’intérêt. Alexis Michalik a parfaitement respecté les codes qu’Edmond Rostand pratiquait à l’époque et nous avons pris grand plaisir à nous immerger dans ses grandes pièces historiques et humaines qui sont la recette de ses pièces si attachantes.

Nous soulignons également la beauté du lieu et espérons renouveler notre venue au Théâtre du Palais Royal très prochainement. Nous remercions notre rédactrice Célia Baroth ainsi que les agents de presse spécialisés Vincent Serreau et Pascal Zelcer pour ces très aimables invitations, Alejandro Guerrero pour les photos. Théâtre du Palais Royal, 38 rue Montpensier 75001 Paris - www.theatrepalaisroyal.comNovembre 2019

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Relire Aragon
au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse

Un voyage au pays de la poésie – C'est dans le vaste quartier de Montparnasse où se mêlent les tours, le tumulte des pas pressés et le bruit des trains que Patrick Mille, réalisateur, acteur de théâtre et de cinéma et Florent Marchet, acteur, compositeur et interprète, nous invitent à nous arrêter au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse pour monter dans un wagon en direction du pays de la poésie. Ce n'est pas tâche facile que de reprendre des textes d'un poète connu du grand public et cher au patrimoine français; et pourtant c'est le pari que se sont lancés les deux artistes qui mettent en scène le spectacle. L'un prête la voix, l'autre prête le rythme pour former ensemble une balade musicale et ondoyante au service de textes qui prennent vie dans Relire Aragon.

 

Sur cette scène, pas de rideau rouge cachant le décor et les acteurs, le spectateur est directement plongé dans l'atmosphère qui le fera voyager tout au long du spectacle. Un piano, une guitare et un micro, fondus dans une lumière sombre qui n'est pas sans rappeler l'esprit d'un bar de jazz dans lequel un musicien solitaire et passionné s'apprête à nous livrer son âme à travers son art. C'est en effet sur la scène sombre que les acteurs arrivent lentement, peu à peu éclairés par une lumière bleue. Nous l'avons bien compris dès que le silence a envahi la salle : ce soir le texte est à l'honneur.

 

Patrick Mille et Florent Marchet nous offrent une balade lyrique reprenant les textes de Louis Aragon tirés de plusieurs œuvres et de différentes époques, en passant par "Amour d'Elsa ", "Poème à crier dans les ruines" ou encore "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?". Ils font résonner sur scène des textes faisant écho encore aujourd'hui et nous font réfléchir à nos propres sentiments et au monde moderne à travers le prisme de la musique et de la poésie.

 

La salle de la Gaîté-Montparnasse offre un cadre intime qui renforce l'intensité du spectacle grâce à la proximité entre l'acteur et le spectateur. Le public est fasciné par l'interprétation des deux artistes. Les comédiens font vivre les poèmes de manière audacieuse grâce à un mélange des genres qui nous berce dans une sorte de flou temporel, et nous rappelle même Jacques Brel tant par la puissance de la musique composée par Florent Marchet, que par la profondeur des textes portés par la vivace voix de Patrick Mille. On aime le parti pris des acteurs de ne pas situer la pièce dans une époque précise avec le décor comme avec la parole car cela permet non seulement à chacun de créer une affinité personnelle avec les poèmes d'Aragon, mais aussi de montrer leur intemporalité.

 

C'est simple, Relire Aragon nous fait passer par toute une palette d'émotions et cela nous fait du bien. L'équilibre balance entre nostalgie, passion, rire et étonnement tout en nous faisant (re)découvrir les textes du poète français. Il n'y a pas ici le soucis de la modernisation à tout prix, car c'est vrai, il n'y en a tout simplement pas besoin. Le texte est puissant et sait nous toucher simplement, Patrick Mille et Florent Marchet l'ont bien compris et c'est grâce à cela qu'ils arrivent à nous livrer une combinaison entre poésie et musique parfaitement dosée au service d'une interprétation superbement maîtrisée et pure de la poésie d'Aragon.

 

Le duo nous charme et il nous ravit grâce à sa complicité et sa dévotion aux textes. L'amour de la poésie et d'Aragon est indéniable et c'est aussi pour cela que les poèmes sont portés avec tant de tendresse et de sensibilité. Grâce, panache et délicatesse, voici comment nous pourrions résumer cette pièce qui nous porte dans le délicieux monde de la poésie. Ce n'est pas la première fois que Patrick Mille et Florent Marchet redonnent vie à des poètes, ils ont précédemment interprété les vers de Pierre Reverdy et les textes de l'écrivain Georges Perros. Nous espérons les revoir prêter leurs voix à de nouveaux auteurs pour une promenade aussi enchanteresse que Relire Aragon très bientôt.

 

Pour cette séduisante et captivante découverte l'équipe de GoûtsetPassions remercie tout particulièrement l'agent de presse Pierre Cordier et à notre rédactrice Zoé Clergue. Une pièce à voir actuellement tous les dimanches à 20h30 et lundis à 20h00 jusqu'au 15 décembre au fameux Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, 26 rue de la Gaité, 75014 Paris- www.gaite.fr - Octobre 2019

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La Dégustation
au Théâtre de la Renaissance

Une comédie douce et touchante – S’il y a bien un théâtre que nous aimons à Paris, c’est le Théâtre de la Renaissance, qui nous réjouit de son beau cadre classique et d’une programmation de premier choix. On aime ses coursives revêtues de rouge et d’or, ses balcons et son magnifique plafond digne de celui de l’Opéra Garnier. L’architecte Charles de Lalande a donné à Paris en 1873 l’un des plus beaux écrins des arts vivants parisiens, une salle à l’italienne riche de 650 places. Un lieu de célébration des arts fondé par la troupe de Victor Hugo et Alexandre Dumas, excusez du peu. C’est sous ces bonnes augures que nous nous rendons avec le sourire à la représentation corporative donnée un dimanche soir afin de présenter une pièce qui tient haut deux têtes d’affiche connues de tous les français: Bernard Campan (Les Inconnus bien sûr) et Isabelle Carré, l’actrice française à succès.

 

Autant dire que notre attente est grande pour une pièce annoncée à grand renfort de communication. L’assistance est venue nombreuse ce soir là, mêlant journalistes, artistes et professionnels. Devant le rideau rouge se présente à nous Ivan Calberac, acteur et metteur en scène de talent qui signe ici sa toute dernière pièce. Il a croisé Bernard Campan sur son troisième long métrage remarqué (Une semaine sur deux) et on l’a vu dernièrement au théâtre avec Venise n’est pas en Italie (nommé aux Molières), adapté au théâtre, également avec les Béliers Parisiens qui son co-producteurs de la pièce. Ivan est aussi metteur en scène de Pourquoi? de Michael Hirsch monté en 2018 à la Comédie des Champs-Elysées.

 

L’histoire s’ouvre sur le décor de la boutique du caviste Jacques, conçu comme un huis clos unique mono-temporel qui sera le creuset de toutes les émotions de la pièce. Nous découvrons Jacques, personnage un peu bourru mais au grand coeur, incarné à merveille par Bernard Campan. Nous sommes en province probablement, ce personnage haut en couleurs et peu habile à communiquer est entouré de ses amis et connaissances proches, il y a son voisin le libraire, joué par Eric Vieillard et son médecin traitant, à qui Olivier Claverie donne vie. Le tout forme un groupe solide et qui vit tranquillement dans une quiétude bien provinciale.

 

Survient Hortense, la fraîcheur personnifiée par Isabelle Carré. Un peu vieille fille tout de même et aussi vieille France. La gentille grenouille de bénitier a la main sur le coeur et s’évertue à faire le bien autour d’elle, avec une certaine dose de naïveté et non sans humour. Un caractère fleur bleue qui vient en opposition symétrique à celui de Jacques, brut de décoffrage, divorcé amer et également alcoolique notoire.

 

Un couple improbable va se former peu à peu, sous l’oeil goguenard de Steve, ce jeune de banlieue à l’accent verlan, parfaitement joué par Mounir Amamra, qui tel un chérubin, arrange l’idylle à sa façon, avec maladresse et franchise adolescente.

 

Le point d’angle de la pièce est une dégustation de vin arrangée (d’où son titre) autour de laquelle l’action se cristallise, elle sera le point de départ de la romance et une accélération de l’action linéaire de celle-ci. La présence de Mounir Amamra réveille l’assistance et sous des airs stéréotypés, il révèle un jeu fin. On l’a vu au cinéma en 2016 dans Divines, en 2017 dans Le Monde est à toi de Romain Gavras. Il joue la comédie de façon remarquable, lui qui n’avait pas foulé les planches d’un théâtre depuis 2009 pour le Malade Imaginaire de Molière.

 

Si la pièce peut sembler un peu longuette à planter ce décor bourgeois, l’action et l’émotion se réveillent tel un seul homme à partir du rapprochement conclusif du couple (à la cave) et nous voyons une Isabelle Carré prendre toute la dimension de son rôle. S’il nous faut un peu de temps pour apprivoiser ce Jacques imbu de sa personne, nous nous sentons en confort sous le ronronnement de son jeu tout en douceur.

 

L’ailier wingman Eric Veillard joue avec tact son rôle d’ami jaloux et complice de la descente vers l’alcool de Jacques alors qu’Olivier Claverie leur fait le sermon dominical de la rédemption, il s’agit de son médecin. Un tour à l’hôpital et Jacques prend un nouveau départ, l’amour redevient sa priorité et lui donne des ailes.

 

Isabelle Carré tient littéralement la pièce et son duo avec Campan fonctionne admirablement. On se laisse bercer par leurs échanges et leur psychologie, qui certes ne facilitera pas leur rapport initial. Nous avons vu Carré récemment dans Lettres à Félice de Kafka en 2018 au théâtre et dans la série télé Victor Hugo (2018). Sa présence égaye la pièce d’un charme féminin indéniable.

 

Jeux de mots bien ciselés, contrepétries douces et bonne humeur générale complètent ce tableau associant de riches personnalités. Eric Vieillard est l’ami-voisin un peu vache, compagnon de bringue de Jacques. On le voit dans Place Publique d’Agnès Jaoui (2018). Il a croisé Campan en 2014 dans Un drôle de père de Jean-Luc Moreau, ce sont deux acteurs qui se connaissent bien et qui forment la paire sur scène. Olivier Claverie joue un médecin de campagne sans effluves qui respire le bien penser. On le vois dans Tanguy 2 d’Etienne Chatillez en 2019. On remarquera les jolies lumières de Laurent Béal et surtout la scénographie d’Edouard Lang qui révèle de façon astucieuse un décor amovible et transformable.

La mannequin et chanteuse Marie Selepec-Wagener qui nous accompagne ce soir là nous livre son impression: Une pièce de théâtre rafraichissante et «bourrée» d’humour! Il n’y a pas un dialogue qui n’a pas déclenché le rire en moi et pas une seconde où j’ai regardé ma montre. Les scènes sont «fluides» et s’enchainent à merveille. Le casting est impeccable, quatre acteurs aux personnalités surprenantes et déjantées. Cette pièce est parfaite en apéritif le week-end ou en digestion la semaine. À aller voir sans modération.

 

Pour cette réjouissante découverte, nos remerciements s’adressent à l’agent de presse spécialisé Guillaume Andreu. Une pièce à voir présentée actuellement au Théâtre de la Renaissance, haut lieu du théâtre français, établi avec panache au 20 Boulevard Saint-Martin, 75010 Paris- www.theatredelarenaissance.comMars 2019

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Le Cas Eduard Einstein
La Comédie des Champs-Elysées

Une pièce majeure et sensible – En plein coeur de l’hiver, nous aimons vivre des pièces riches d’émotions, parfois de gravité, qui nous font voyager, alors que le printemps et l’été seront réservés à la découverte de pièces plus légères. Il est une salle parisienne que nous affectionnons particulièrement, c’est la dynamique Comédie des Champs-Elysées, qui depuis 2011, à la succession de son père Michel, la jeune Stéphanie Fagadau, connaît un nouveau souffle en ce haut lieu historique du théâtre français. La jeune directrice de théâtre nous ravit de pièces de haute qualité, dans tous les registres. C’est ainsi que nous découvrions cet été 2018, au Studio des Champs-Elysées attenant, l’extraordinaire magicien Gus, qui reçoit depuis ce mois de février des prolongations méritées.

 

Nous voilà rendus dans la belle salle à l’italienne, toute d’or et de rouge vêtue. L’assistance est venue nombreuse ce soir, première journée de presse, pour une exploitation démarrée il y a dix jours, le temps que le spectacle se rôde. L’action commence, le rideau se lève, révélant un décor des années 40, nous sommes en 1942 à Princeton, dans le bureau du célèbre Albert Einstein. L’action et la narration sont doubles et s’entrecroisent, car la scène est divisée en deux espaces-temps, le bureau du génie et le lit d’hôpital de son fils, Eduard Einstein. L’effet conçu par Stéphanie Fagadau est réussi, renforcé par les belles lumières de l’artiste Zizou. Fagadeau avait déjà démontré ses talents de metteur en scène dans Love Letters présentée en ces mêmes lieux en 2017.

 

Nous sommes littéralement transportés dans le temps, voyageant dans les années 30 et 40, servi par un casting avisé et de jolis costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, un décor d’Antoine Malaquias et des coiffures de Catherine Saint-Sever. C’est cela la beauté des exo-fictions, des romans inspirés de personnages réels, dans lequel le maître français du genre excelle. La pièce est la suite nécessaire et logique du roman éponyme de Laurent Seksik, paru en 2017 et déjà vendu à 120 000 exemplaires, nommé au Goncourt et traduit en 18 langues. Seksik (1962) est un médecin et un écrivain français de talent, connu pour une trilogie de l’exofiction à succès: Les Derniers Jours de Stefan Zweig, Le Cas Eduard Einstein et Romain Gary s’en va t’en guerre. Partant de ses recherches sur sa biographie d’Einstein parue en 2008, il découvre l’existence du fils d’Einstein, schizophrène, qui finira sa vie seul, jardinier de l’hôpital psychiatrique de Zurich. La relation père-fils est l’une des prédilections affirmées du prolifique auteur français, soutenu très jeune par le Nobel JMG Le Clézio.

 

Nous voilà embarqués dans un magnifique voyage temporel et sensoriel, dans l’Allemagne des Années 30, les Etats-Unis des Années 40, nous y découvrons la personnalité riche et complexe d’Enstein père, militant d’avant-garde du droit des femmes, des minorités, des droits essentiels de l’Homme, s’y révèle aussi l’abandon et le désespoir du jeune Eduard Einstein. On y perçoit l’influence de l’administration Hoover, la surveillance du FBI sur le scientifique, l’opposition farouche d’Einstein à Hitler, nous sommes replongés dans un contexte historique grave de ses années tempétueuses, à la vie à la mort. La narration est fluide, l’action dynamique, la diction et l’acoustique parfaites, on se régale de ce roman historique et humain à rebondissements.


1h35 de grande fresque psychologique assumée, relevée par une mise en scène ingénieuse qui donne ce twist nécessaire de modernité. Cette pièce profonde et sans filtre nous interroge aujourd’hui sur notre engagement politique réel, sur ce nécessaire besoin de réinventer notre exercice des droits de l’homme ou du militantisme. En cela, elle est contemporaine, faisant directement écho par le choc des calendriers aux mouvements sociaux actuels.

 

Ce que nous apprécions le plus dans cette pièce homogène est sans aucun ennui, c’est ce formidable choix de ses acteurs, d’un niveau égal dans la plus haute maîtrise de leur art. Ces artisans de notre bonheur scénique sont riches de parcours remarqués. Michel Jonasz (1947), chanteur français bien connu (La boite de jazz) n’en n’est autre qu’un grand acteur et révèle ici dans la personnification d’Albert Einstein l’un des plus grands rôles de sa carrière selon nous. D’origine juive hongroise, ce rôle prend pour lui certainement une connotation particulière, sa famille ayant été touchée par la Shoah. Il s’était fait remarqué sur les planches en 2017 dans Le Fantôme de la Rue Papillon. Ici, il porte la pièce à lui tout seul.

 

Viens le jeune prodige de l’acting Hugo Becker (1987, Metz), passé par le Cours Florent, la Royal Academy of Dramatic Arts, qui joue magnifiquement le fils du maître. On l’a vu dans Gossip Girl, dans Paradise Beach de Xavier Durriage et dans Amadeus de Peter Schaffer (Opéra National de Lorraine). Sa présence vraie et sa force vocale font vibrer les murs de la salle, enthousiaste.

 

L’autre acteur qui complète ce trio de tête sera Jean-Baptiste Marcenac, jouant l’agent du FBI inquisiteur, il donne à son rôle le juste ton et la finesse requise à ce rôle. Cet Ensatt rue Blanche expérimenté a été vu dans Cuisines et Dépendances et un Air de Famille, deux pièces à succès de 2017.

 

Gravitent autour de ce triptyque brillant Pierre Benezit, médecin, tout comme dans la série Hippocrate portée au petit écran, vu dans la fameuse pièce Edmond de Michalik; Josiane Stoléru, vue dans Cyrano de Bergerac, nommée aux Molières 2017 pour la pièce Bella Figura, femme de Patrick Chesnais à la ville et enfin Amélie Manet, jouant la jeune ingénue, remarquée dans Eloquence, film de Maxime Diesropoulos (2018).

 

Cette troupe nous livre un master-class de théâtre, d’une qualité irréprochable et captivante. On admire le travail sans cesse renouvelé de ces acteurs remarquables. La pièce est goûteuse, forte et douce à la fois, on la vit comme si nous étions au cinéma, le huis-clos à doubles entrées scéniques crée l’une des innovations distinctives de cette pièce vivante.

 

Il est certain désormais que Le Cas Eduard Einstein, certainement Moliérisable, entrera au panthéon des grandes pièces d’auteur françaises, au même titre qu’une pièce vue en ces murs par notre rédaction, la fameuse Le Porteur d’Histoires de Michalik. La Comédie des Champs-Elysées renouvelle ici un coup de maître dont il faut saluer ici l’audace et l’excellence. La troupe joue parfaitement son rôle de mise en valeur du beau texte de Seksik.

 

La mannequin française, comédienne et auteur Marie Wagener-Selepec qui nous accompagne ce soir-là, est passionnée par la pièce, elle qui lit actuellement une biographie d’Einstein. Elle nous partage son émotion vécue: «Des acteurs précis et beaux dans leurs rôles, un super casting! Cette pièce offre une vision nouvelle sur la vie d’Einstein comme on ne l’à jamais connu. Ce génie qui à bousculé le monde est toujours caractérisé par ses prouesses scientifiques mais peu connaissent le drame de sa vie, son fils. On en ressort les larmes aux yeux et la sensation de s’être rapproché un petit peu plus de l’étoile filante qu’était plus le grand savant du XXème siècle

 

Pour cette découverte théâtrale qualitative, nos remerciements s’adressent à l’émérite agent de presse spécialisé Pierre Cordier qui a le don d’avoir des pièces de premier choix à son répertoire. La Comédie des Champs-Elysées, une institution théâtrale renouvelée, établie avec panache depuis 1913 au 15 avenue Montaigne, 75008 Paris - www.comediedeschampselysees.com - Février 2019

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Le Songe d'une nuit d'été
Théâtre du Ranelagh

Une pièce vive et flamboyante –  S’il est assez rare chez GoûtsetPassions d’être intrigués à aller voir une pièce classique, d’autant si celle-ci ne fait pas l’objet d’une modernisation scénique évidente, nous nous rendons toutefois volontiers à l’aimable invitation de Vincent Serreau afin d’assister à la nouvelle pièce du Ranelagh, montée par le talentueux Mathieu Hornuss, prometteur comédien et metteur en scène français.

 

C’est ainsi, tous novices que nous pénétrons pour la première fois dans le Théâtre du Ranelagh, connu pour sa programmation de choix, résolument orientée classique, nous découvrons son univers classico-baroque, son bar à sa douce atmosphère et son public d’habitués éclectiques. Nous voici dans un cocon agréable et chaleureux, une bulle dans le temps, un écrin d’architecture et de design, parfait cadre pour se réjouir de toute pièce classique. Nous avançons dans la salle toute de rouge vétue et nous découvrons les caissons sculptés au plafond, les riches enluminures et même les balcons latéraux qui serviront de décor à la pièce. La salle est comble en ce vendredi soir et bien vite les trois coups retentissent, la pièce commence.

 

L’action est bien connue dans cette grande et unique comédie de Shakespeare écrite en 1594: nous voici vite transportés en Grèce, où un couple royal prépare son mariage. Le Duc d’Athènes en grande pompe est savamment joué par Patrick Blandin, également vu dans Le Porteur d’Histoire de Michalik. L’action se campe dans un décor attachant, réduit à sa simple expression mais suffisamment évocateur des vertes contrées de la forêt magique où tout va se dérouler. Les lumières orchestrées par Idalio Guerreiro font briller de mille feux ces arbres énigmatiques, le mystère demeure pour notre plus grand plaisir.

 

Nous voici plongés dans une histoire reculée aux mœurs succulentes, parfois dramatique; le tout est enjolivé par de seyants costumes d’époque conçus par Marion Rebman. Le son de Christophe Charrier épouse avec grâce tout le fil conducteur (à retournements) de la pièce, avec certaines inclusions de musiques contemporaines, clin d’oeil à la facétie de Shakespeare, qui n’aurait pas renié une telle audace spatio-temporelle.

 

L’action s’engage à vive allure, tout bouge, tout circule sur scène et les acteurs, personnifiant leurs personnages à la perfection, nous livrent une performance d’excellence. Diction claire, textes en français merveilleusement bien adaptés, force et courage transparaissent sur scène; la douceur aussi avec la présence de comédiennes au jeu fin, affirmé et subtil. Le tragique se mêle à la comédie, les amants s’épousent et se haïssent aussitôt, charmés par de vilains sorts que leurs auteurs ne désirent pas.

 

Quiproquos, intrigues cocasses et comiques de situation s’enchaînent suivant la lettre et l’esprit de l’auteur anglais, dans la pure tradition du grand théâtre classique. Nous sommes entrés dans la pièce et nous voilà haletants à suivre les humeurs et retournements de histoire fabuleuse. Le burlesque et le féérique nous lançent tous leurs charmes scéniques, nous voici tels de petits enfants devant un mignon théâtre de Guignol, on se délecte de bout en bout. Une pièce lancée à toute allure, qui se vit avec passion. Nous sommes loin des langueurs redoutées du classique. Un grand souffle d’énergie qui réchauffera les coeurs cet hiver.


Le Ranelagh, sous la direction émérite de Catherine Develay, signe ici une belle pièce classique, 1h20 de vrai bonheur théâtral, en prise avec une troupe vive, présente et forte. Les acteurs ont un jeu d’égale perfection, on distinguera Patrick Blandin en roi d’Athènes grandiose ainsi que Thomas Nucci (vu à la Comédie Française) en Puck et Bottom lequel emplit par sa carrure vocale la salle entière et au-delà. Mathieu Hornuss (vu dans le Cercle des Illusionistes), brillant metteur en scène de cette pièce est aussi sur scène et donnera la répartir à un autre talent masculin prometteur, Olivier Doté Doevi (vu dans La Mégère à peu près apprivoisée). On sent le plaisir de la troupe à jouer sur ces planches, à perpétuer la tradition du théâtre de tréteaux, avec ces coulisses visibles et ces changements à vue, réalisant l’exploit de jouer 22 personnages à 6 comédiens. Le cinquième acte est aussi rare que succulent: une pièce dans la pièce, faisant un écho historique à la première représentation à la cour d’Angleterre le 1er janvier 1604.

 

Il est certain que cette mise en scène marquera nos esprits et s’inscrit comme une évolution moderne des célèbres mises en scène de Midsummer Night’ Dreame de Max Reinhardt (de 1905 à 1939). Confortablement assis dans ces voluptueux sièges, admirant le cadre majestueux de la salle toute faite d’enluminures, nous nous prenons à nous rêver tel un Neil Perry s’évertuant à jouer Puck dans le film Le Cercle des Poètes Disparus. Pour un tel retour émotionnel, que cette fière troupe puisse être remerciée.

 

Nous sommes accompagnés de la jeune comédienne française Eva Mikulski laquelle nous livre son regard frais sur la pièce: «Un agréable moment de vie passé dans un théâtre convivial, pour replonger en enfance le temps d'une pièce. De bons acteurs, un moment jovial sur un rythme léger, livrant une ambiance festive et lumineuse. Une fin qui finit bien et un bon ressenti en sortant de la salle

 

Une pièce à vivre en ces beaux lieux jusqu’au 14 avril 2019, pour tous publics. Nos remerciements s’adressent à l’émérite agent de presse spécialisé Vincent Serreau . Le Théatre du Ranelagh, un théâtre parisien célébrant les grands classiques et les arts vivants, établi avec brio au 5 rue des Vignes 75116 Paris. Photographies: G&P et Ben Dumas. - www.theatre-ranelagh.com - Janvier 2019

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L'Ecole des Femmes
Théâtre Dejazet

Un classique revisité avec brio –  A l’approche des fêtes, il est un petit rituel chez nous d’aller revoir un grand classique du théâtre français, afin de se connecter à nouveau avec l’or et la douceur qu’a la belle langue française. C’est sur l’aimable invitation de l’agent de presse parisien émérite Pierre Cordier que nous nous rendons à une pièce fort acclamée au Théâtre Déjazet, une venue dans ce lieu parisien réputé des arts vivants, constituant une première pour nous.

 

A deux pas de la Place de la République, nous pénétrons dans ce qui peut sembler être l’entrée des artistes pour y découvrir une belle salle classique à balcons, toute d’or et de rouge vêtue. L’une des salles historiques les plus en vue de Paris, notamment par sa programmation éclectique et parfois avant-gardiste. Nous sommes accueillis avec tous les égards par l’équipe du théâtre, dont le militantisme confirmé pour un théâtre de qualité force le respect.

 

Nous avons hâte de vivre en réel l’une des plus célèbres pièces de Molière, l’Ecole des Femmes, une création de 1662 revisitée avec génie par la main experte de Nicolas Rigas, qui tient aussi le rôle principal d’Arnolphe avec grand panache. Le jeu dynamique de la pièce s’allie à la prose alexandrine de Molière, si vertueuse à nous faire redécouvrir notre langue riche, des intermèdes musicaux tirés de l’opéra de Jacques Offenbach, les Contes d’Hoffman (1881), un univers que maîtrise à la perfection Nicolas Rigas, l’un des barytons les plus remarqués de France.

 

L’assemblée s’installe, une classe est également venue se reconnecter aux arts classiques français. Les trois musiciens de l’orchestre prennent place à gauche de la scène, il s’agit de Karen Jeauffreau au violon, de Tobin Defines au violoncelle et d’Emma Landarrabilco à la flûte. Un trio brillant qui jouera à merveille des airs d’Offenbach et de Rossini, ponctuant la narration de fraîches notes musicales avec légèreté et entrain.

 

La pièce commence, après les traditionnels trois coups et le lourd rideau rouge laisse place à une scène champêtre, dans un décor bourgeois, certes simple, mais tel était le souhait de Molière. Car ici, dans la Compagnie du Théâtre du Petit Monde (crée en 1919 dont on fêtera cette année nouvelle le centenaire), on respecte à la lettre la scénographie de l’illustre auteur français, quite à réintroduire des cascades cocasses, comme ce fût le théâtre de l’époque qui tenait de la tradition du théâtre de tréteaux.

 

C’est là l’adresse de Nicolas Rigas: prendre le meilleur des arts vivants et les intégrer en harmonie dans une pièce magistrale, tout en s’entourant d’une fine équipe. Tel le jeune Martin Loizillon, César 2016 des révélations, aperçu également dans la série Un Village Français. Martin a même été formé dès son plus jeune page par son mentor Rigas.

 

Rigas joue le rôle central d’Arnolphe, riche bourgeois qui veut prendre pour épouse une jeune demoiselle qu’il tient recluse au couvent, avec le moins d’éducation possible, car il ne veut pas se retrouver cocu. Ses plans ne vont pas se dérouler comme prévu, lorsque le jeune prétendant Horace fait irruption dans le coeur de la jeune Agnès. S’en suit une multitude de contrepétries et de farces rocambolesques qui donnent à cette ligne narrative toute la saveur des fables sociales de Molière, précurseur de la critique de nos maux sociaux modernes.

 

Le jeu des actions s’enchaine avec énergie; bien rythmée, la pièce se tient de bout en bout. L’oeuvre de Molière est respectée à la lettre, la diction et la direction des comédiens est parfaite, on boit leurs paroles toutes en proses poétiques. Comme des intermezzos fort à propos, des extraits de l’opéra lyrique les Contes d’Hoffmann s’immiscent avec vigueur dans la linéarité de la pièce voltairienne. On aime la prestance et les jeux de Loizillon et de Rigas, joli duo qui porte la pièce tout le long. Surtout, la performance de Nicolas Rigas nous révèle une évidence cachée: nous avons là affaire à l’un des plus grands comédiens français actuels, de surcroît excellent chanteur lyrique.

 

Cet enfant de la balle est né dans le théâtre qu’il a hérité de son père et c’est très jeune qu’il commence à fouler les planches. Formé à la Rue Blanche et à la Royal Academy of Dramatic Arts de Londres, il excelle dans son jeu. Quand à lui, le jeune Loizillon lui donne la répartie avec toute la conviction du jeune premier. Issu du Conservatoire et du Steppenwolf Theatre à Chicago, il brûle les planches et son aura dorée donne d’autant plus d’élégance et de vivacité à son jeu.

 

Autour de ce couple masculin, gravite Agnès, jouée par la prometteuse Aurélie Tatti, issue de l’Ecole Normale, sa voix perçante fait vibrer toute la salle. Le couple Alain et Georgette est assuré par les deux cascadeurs Romain Cannone et Jean Adrien qui nous épatent de leur adresse et de leurs qualités scéniques. Fin du fin, le chanteur et acteur Salvatore Ingoglia incarne un Chrysalde père aimant avec forte prestance et bienséance. En tout, les sept comédiens de la troupe forment une équipe rodée, soudée et joyeuse dont la passion communicative resplendit en ces lieux chargés d’histoire. Tel ce chant de final saluant son public, lequel a lui aussi du talent selon l’adage.

 

Nous nous sommes réjouis d’une pièce vive, égayante et dépaysante, ayant un brin de fraîcheur et de jeunesse qui est de bon alloi en cette période hivernale. Un gentil conte populaire auquel se révèle une interaction des plus réussies avec l’Opéra d’Hoffmann. Un parti-pris artistique qui convainc, un coup de maître à renouveler sans hésiter.

 

Pour cette belle découverte à vivre au Théâtre Dejazet 48, bd du Temple 75003 Paris jusqu’au 31 décembre, nos remerciements s’adressent à l’agent de presse spécialisé Pierre Cordier et à Philippe Branet. - www.theatredupetitmonde.com et www.dejazet.comDécembre 2018

 

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King Kong Théorie
Théâtre de l'Atelier

Mulier laudat – Virginie Despentes est l’incarnation d’une époque qui s’émancipait petit à petit du carcan social préétabli à grand renfort de « il est interdit d’interdire ». Mais elle est aussi un porte-étendard pour la génération suivante, au nom d’un combat toujours d’actualité : le féminisme. Mais, chez elle, nul appel à un salaire égal pour un même emploi, ou une quelconque lutte pour interdire d’écarter les jambes dans le métro. La bataille menée par Virginie Despentes est celle visant à permettre aux femmes de jouir de leurs propres corps, selon leurs désirs et modalités propres et non pas enfermées dans un carcan qui leur serait imposé par autrui, homme ou femme.

 

La pièce s’articule non pas comme une lecture du texte qui fera de son auteur l’étendard vivant du néo-féminisme, mais comme un témoignage à la fois pur et cruel, incarné par trois actrices : Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich. Le texte original est cru et la mise en scène, jouant sur l’indignation et la provocation entremêlées, accentue l’immersion du public.

 

Nous revivons le viol vécu par Virginie Despentes et son amie, à la fin des années 1980, sa reconstruction, la façon dont elle a prise en main sa sexualité par la suite, en se faisant notamment prostituée occasionnelle et volontaire, quand elle « avait besoin d’argent ». Elle conte ainsi ses rencontres avec ses clients, qui ne sont pas nécessairement les vieux pervers que l’on imagine dans ce genre de cas, et sont en réalité souvent esseulés, à la recherche d’une compagnie féminine, de l’occasion de sentir une chaude chair contre la leur, tandis que les passions se déchaînent l’espace de quelques heures. Nous passons ensuite à une réflexion sur la pornographie de façon générale (rappelons que King Kong Théorie est sorti en 2006), sur le rapport de la femme avec son sexe et surtout… Sur ce que signifie « être une femme ».

 

Les moyens mis en œuvre pour délivrer le message de ce manifeste peuvent aisément être qualifiés de multiples. Le public en lui-même est mis à contribution, tandis que le 4ème mur est franchi par l’intermédiaire d’une caméra manipulée par les actrices, projetant les images sur la toile dressée au fond de la scène. Certaines spectatrices sont ainsi interpellées sur le chapitre quelque peu tabou de la masturbation féminine. Oui, messieurs-dames, cela peut vous surprendre, mais certaines, voire beaucoup de femmes apprécient caresser leurs boutons de roses. Et c’est sans doute une des raisons qui font de cet essai autobiographique le manifeste du néo-féminisme : la femme peut et doit prendre en main sa propre sexualité, sans que cela lui soit reproché par qui que ce soit, des braillards conservateurs aux chiennes de gardes hystériques. Notre seul regret vis-à-vis de ce texte reste le suivant : qu’il soit, douze ans plus tard, toujours autant d’actualité.

 

Il est difficile de choisir entre les trois actrices laquelle offre la meilleure performance. Car chacune d’entre elles,  que ce soit Anne Azoulay, Marie Denarnaud ou Valérie de Dietrich, est aussi douée les unes des autres. Leur apparente androgynie, mêlant la femme fatale et la garçonne, nous envoûte, tandis qu’elles témoignent d’une vie émergeant des bas-fonds afin de professer du droit et de la liberté des femmes à jouir de leurs corps.

 

Par ces parcours qu’elles mettent pas à pas à nu, par-delà les tabous du cliché d’une discrétion féminine, les profils que les trois comédiennes nous présentent révèlent un puissant contraste : leur force et leur faiblesse se conjuguent et apparaissent progressivement à la surface. Changeant de costumes et de coiffures au cours du spectacle, elles dévoilent toutes les facettes d’une femme et de sa complexité interne. Ces trois femmes osent aborder, désigner, et ainsi donner nom et forme aux épreuves les plus douloureuses et les plus marquantes que peut vivre une femme, notamment le viol, la prostitution ; deux réalités trop souvent passées sous silence dans notre société, pourtant bien réelles et tellement traumatisantes.

 

Ce sont ces mots à vif, cette sensibilité qui transparaît violemment dans un flot de paroles désormais intarissable qui nous ont particulièrement marqués. Viol et prostitution, une fois mis sur le tapis, à plat, dénués de tout l’omerta qui les entoure, deviennent des notions concrètes et désormais accessibles parce qu’enfin expliquées. Les mots sont simples, directs, également teintés d’ironie, comme ils le pourraient être dans n’importe quelle conversation quotidienne. Ainsi, il se crée un lien intéressant entre spectateur et comédien, puisque ce dernier évoque les sujets les plus intimes et personnels : le spectateur devient confident, en capacité de saisir toute l’émotion de son interlocuteur sur scène. Cette émotion, nous l’avons ressentie particulièrement intensément grâce au jeu saisissant de ces talentueuses comédiennes.

 

Nous tenons à remercier Vincent Serreau, attaché de presse, pour son aimable invitation, ainsi qu’Antoine Barré et Adèle Mondine, nos rédacteurs. King Kong Théorie se joue au Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, 75018 Paris, du 25 mai au 7 juillet 2018. Attention, ce spectacle est déconseillé aux moins de 16 ans. Crédits Photos : François Berthierwww.theatre-atelier.com

 

Mai 2018

Mon Lou,
au Lucernaire

La célébration érotique de l’amour – De Guillaume Apollinaire, nous retenons notamment ses célèbres calligrammes, Alcools, et surtout ses écrits quelques peu… Osés, sinon, libertins, que ce soit Les Onze Milles Verges, Les exploits d’un jeune Don Juan ou les lettres adressées à son amante Louise de Cotigny-Châtillon, mieux connu sous le diminutif affectueux de Lou. Reflets d’une époque où la bonne morale bourgeoise avait tendance à cacher ce sein que nous ne saurions voir pour mieux l’apprécier une fois passé les portes du boudoir, cette correspondance que nous pourrions aisément qualifier d’osée nous en apprend beaucoup sur les mœurs de l’époque, autant entre deux amants qu’au sein d’une tranchée en 1915.

 

Mon Lou est l’adaptation théâtrale de la lecture d’une partie de ces lettres, envoyées par Apollinaire à Lou après que le poète parte à Nîmes faire ses classes. Nous sommes à la fin du mois de septembre 1914, et la Première Guerre Mondiale commence à embraser l’Europe. Dans ses lettres, Guillaume Apollinaire conte la vie de la caserne, comment ses camarades de chambrée « font menottes » de concert en s’échangeant des blagues, et surtout à quel point Lou lui manque. Il attend avec une certaine impatience la perm’, enjoignant à la jeune femme de prendre une chambre d’hôtel pour son arrivée. Se faisant, il lui rédige des poèmes, au dos des lettres. Quand elle tarde à lui répondre, il s’emballe et devient rude, avant de redevenir suppliant et pantelant.

 

Sa correspondante n’est pas en reste, et décrit voluptueusement tant ses souvenirs des nuits embrasées qu’ils passèrent ensembles lors de la perm’ de la fin d’année 1914, qu’un voyage en train qui la fit monter au septième ciel, sans que rien d’autre n’interviennes que le regard d’un « officier anglais aux cheveux roux » et « les vibrations du train ».

 

Quand, finalement, les deux amants se séparent, alors qu’Apollinaire doit monter au front, ce dernier continue sa correspondance et donne un aperçu de la guerre de tranchées tantôt lyrique, tantôt cynique, tandis qu’il décrit comment un camarade de chambrée « fait menotte » pitoyablement, parle de la branche de noisetier qu’il a cueilli pour elle, et conte les incestueux fantasmes des poilus. Il implore Lou de vivre heureuse en compagnie du maréchal des logis « Toutou », dans des termes somme toutes assez ambiguës pour semer le trouble chez les spectateurs.

 

Le public, médusé, assiste ainsi à un libertinage épistolaire, tout à fait digne des Liaisons Dangereuses, suavement narré par la talentueuse Moana Ferré, seule en scène. Jouant avec les lettres, usant de l’intimité qu’elle lie avec les spectateurs, peignant une fresque sombre et enjôleuse, elle campe un personnage exaltant la féminité et la sensualité et cette chaleur que l’on ressent en sortant de la salle n’est pas entièrement dû à une mauvaise climatisation…

 

Nous tenons à remercier Catherine Guizard, de la Strada & Cie, pour son invitation, ainsi qu’Antoine Barré, notre rédacteur. Mon Lou se joue au Lucernaire du 18 avril au 23 juin 2018. www.lucernaire.fr

Avril 2018

Le Cid,
à la Manufacture des Oeillets

La rencontre entre l’amour et l’honneur – Plongeons ensemble dans le passé, au sein d’une Castille moyenâgeuse et trouble, où la couronne est juchée sur un piédestal branlant. Tandis que les vaisseaux Maures approchent le port, deux âmes liées par les sentiments les plus forts, vont se déchirer à cause de l’honneur de chacun. Cette histoire, c’est celle (romancée) de Rodrigo Diaz de Vivar, mieux connu sous le surnom du Cid Campeador.

 

Les rideaux s’ouvrent sur un plancher dont les lattes dessinent une série de motifs géométriques, tandis qu’en arrière-plan se dévoile un mur de « treilles », aux motifs faisant penser à un mélange entre l’Espagne Maure et l’Espagne Chrétienne. Là, Don Gomès (Eric Chailler) discute de l’avenir de sa fille, la belle Chimène (Zoé Schellenberg). Elvire (Eva Hernandez), la gouvernante de cette dernière, annonce que Chimène est encline à suivre ses penchants et à prendre Don Rodrigue (Thomas Condemine), fils de Don Diègue (Jean-Claude Drouot) comme époux. Don Gomès donne son accord, avant de s’en aller : Don Fernand (Julien Roy), souverain de Castille, va bientôt annoncer qui deviendra le précepteur de son fils, le prince, un honneur que Don Gomès est assuré de recevoir, tant sa bravoure et son bras ont fait pour repousser les MauresLa suite fait partie des grands classiques du théâtre…

 

Si, au départ, l’on peut être pris au dépourvu par le caractère archaïque de certaines tournures de phrases, on finit par s’y habituer aisément, et se surprendre à sourire à certaines répliques entrées depuis dans le panthéon des citations cultes, telles que :

 

 « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (Don Gomès à Don Rodrigue, Acte II, scène 2)

Ou l’oxymore de Don Rodrigue (Acte IV, scène 3) : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. »

 

Cette adaptation du Cid est tout à fait correcte, sinon, renversante. Le metteur en scène, Yves Baunesnes, n’use pas de l’artifice de la simplicité, à savoir transposer la pièce originale dans un environnement moderne. Les costumes, bien que n’étant guère à la mode de l’époque (XIème siècle), parviennent tout de même à nous ancrer au cœur de l’action. A noter que, parmi toutes les tenues, celle de Don Rodrigue attire le regard en possédant une coupe faisant penser au costume du toréador… Teint en vert. De plus, il est à noter l’usage de chants en espagnols, arabes et mozarabes (terme désignant les chrétiens vivant en Espagne Maure avant la Reconquista), composés par Camille Rocailleux et rythmant les transitions entre les différents Actes.

 

Petit à petit, on entrevoit aussi se dessiner une harmonie entre les différents personnages, voire entre certains une certaine complicité qui, par les postures et les interactions, fait penser à une sorte d’alchimie érotique tranchant nettement avec les discours souvent rudes qu’ils tiennent en même temps. Mélanger ainsi deux sentiments aussi dissonants met en avant leur réciprocité, jouant sur le langage oral et le langage du corps, permettant au spectateur d’apprécier un second niveau de lecture tout au long de la pièce.

 

Nous retenons tout particulièrement la prestation de Jean-Claude Drouot, interprète de Don Diègue, qui parvient à retranscrire les affres et le fardeau de la vieillesse, tandis que le patriarche pleure son bras traître, incapable de soulever sa lame afin de défendre son honneur bafoué. L’autre interprétation qui retint notre attention fut celle de Julien Roy, incarnant Don Fernand, Roi de Castille et Empereur d’Espagne. Son jeu, ses mimiques et les répliques inhérentes à ce personnage en font un élément comique dont les interventions désamorcent avec un certain brio le pathos de certaines scènes.

 

Le Cid, une intrigue dans laquelle l’amour le dispute à l’honneur et au devoir, et où les dilemmes moraux font office de fil directeur. Nous tenons à remercier Pascal Zelcer, attaché de presse, ainsi qu’Antoine Barré, notre rédacteur. Le Cid, à la Manufacture des Œillets, du 4 au 14 avril 2018.

Photographies : Guy Delahaye. www.theatre-quartiers-ivry.com

 

Avril 2018

Ruy Blas,

au Théâtre Le Ranelagh

Une pièce classique qui séduit toujours – La nuit est tombée sur Paris, nous empruntons  les ruelles étroites du 16ème arrondissement, avant d’apercevoir le Théâtre Ranelagh. Impossible de rester insensible à la beauté du lieu. C’est dans cette salle et ce décor majestueux, inscrits aux monuments historiques, datant du XIXème siècle, que nous prenons place pour assister à l’une des représentations de la légendaire pièce de Victor Hugo: Ruy Blas par la compagnie Les Nomadesques, dans une mise en scène de Vincent Caire. Après l’Ile des Esclaves, le Mariage de Figaro et Beaucoup de Bruit pour Rien, cette troupe met son talent au service d’un des plus brillants drame romantique.

La salle s’assombrit peu à peu, le rideau se lève et l’on aperçoit déjà Ruy Blas et le marquis de Finlas. Le décor est minimaliste mais le charisme et la prestance des acteurs, vêtus d’habits d’époque, sur scène nous intimident. Dès les premiers échanges entre les deux hommes, nous comprenons que nous assistons à une représentation fidèle du texte de Victor Hugo.

L’interprétation, des personnages mythiques de la dramaturgie française, nous subjugue et nous laisse imaginer que nous sommes au XIXème siècle. Toute la troupe maîtrise à merveille le dialecte de l’époque dans une éloquence impressionnante. Les monologues de nos personnages préférés comme Ruy Blas, Don Saluste, la Reine d’Espagne et l’amusant Don César de Bazan résonnent dans le Théâtre, que l’on pourrait croire conçu exceptionnellement pour la pièce.

La salle est comble et pourtant elle se fait silencieuse pendant les cinq actes. C’est bouche bée que les spectateurs laissent entrer la Reine. Ce passage de la pièce, que l’on ne présente plus, se modernise tout de même. Ce n’est pas sur la scène mais au milieu du parterre du Théâtre Ranelagh qu’elle se présente à nous.

Dans une robe imposante de l’époque, elle nous subjugue et nous intrigue. On se lie d’affection, tout de suite, pour le personnage avec lequel  nous serons complice jusqu’à la fin.  Nous soulignons donc l’incroyable jeu de Karine Tabet. Une pièce qui se modernise aussi à travers d’extraits musicaux contemporains qui dynamisent la pièce.

On aime se prendre au jeu, de cette situation cocasse et pourtant attachante. On se surprend à éprouver joie et grande  tristesse en une seule pièce. Devenus complices de Ruy Blas et de sa bien aimée nous avons bien  du mal à accepter ce dénouement si tragique.

La rédaction de Gouts et Passions a beaucoup apprécié assister à cette représentation. Nous remercions l’attaché de presse Vincent Serreau et notre rédactrice Célia Baroth. Nous espérons assister à d’autres pièces de cette troupe très prometteuse. Photographies: Charlotte Spillemaecker - Théâtre Le Ranelagh 5, rue des Vignes, 75016 Paris - www.theatre-ranelagh.com.

Février 2018

A droite, A gauche

au Théâtre Le Comédia

Un débat politique comme vous n’en avez jamais vu – Boulevard de Strasbourg: de grosses lettres d’un éclairage rouge nous montrent le chemin et l’entrée du Théâtre Le Comédia, anciennement appelé Eldorado. Nous y sommes : ce soir-là, nous retrouvons Francis Huster et Régis Laspalès sur les planches de ce majestueux théâtre parisien inauguré en 1858 pour l’une des dernières représentations de cette comédie composée par Laurent Ruquier et forte de 250 représentations. Nombreuses sont les pièces à succès jouées dans ce décor où Mistinguett a fait ses débuts.

Francis Huster s’illustre dans de nombreux domaines des arts du spectacle: fort d’une carrière d’acteur, de metteur en scène, de réalisateur et de scénariste, il s’illustre ce soir dans une comédie théâtrale dont il est l’un des personnages principaux avec Régis Laspalès, humoriste et comédien français notamment connu pour son duo avec Philippe Chevallier; Chevallier et Laspalès.

Le public a répondu présent du premier rang jusqu’en mezzanine, et dès l’ouverture du rideau rouge et les premières répliques de Francis Huster et de Régis Laspalès, on comprend mieux pourquoi. Les rires et exclamations des spectateurs ne se font pas attendre à la découverte de cette mise en scène atypique mais très appliquée de Steve Suissa, dans la cave d’une belle propriété. Le point de départ? Un problème de chaudière, un chauffagiste qui tente de la réparer et un propriétaire connu dans le monde su spectacle qui s’inquiète de recevoir ses amis du soir sans eau chaude. Jusque là, rien de plus banal. Au fil de la discussion entre les deux hommes, l’un aborde le sujet qui fâche et attise les débats: la politique! La pièce s’appuie sur des clichés: quand l’acteur déduit que l’ouvrier ne peut être que de gauche, l’ouvrier imagine que cet acteur à la belle propriété est nécessairement de droite. Ils sont bien étonnés de se rendre compte du contraire.

S’ensuit la défense des partis politiques avec des arguments à tout va. Chacun y prend pour son grade : gauche, droite, extrême-droite, juif, catholique ou musulman. C’est avec une répartie sans faille et une parfaite éloquence que les deux hommes engagés se livrent un combat oratoire à rendre la salle bouche bée. On joue sur les préjugés, on rebondit dessus, on se complète, se corrige, s’indigne des propos de l’autre dans un va-et-vient très rythmé. Les acteurs sont attachants, et parviennent à incarner avec brio les personnages qu’ils mettent en scène.

Deux ambiances, deux décors. Nous passons  d’un sous-sol à un salon de haut standing, avec une mise en scène très réaliste, de la fenêtre d’où l’on voit la cabane dans le jardin évoquée dans la pièce aux objets de décoration modernes propres à un salon d’acteur fortuné de gauche, encore une fois selon les clichés véhiculés. Plusieurs personnages vont se succéder, apportant des rebondissements inattendus à la pièce : du chef d’entreprise empêtré sans le vouloir dans l’affaire au fils en pleine crise d’adolescence, les remarques fusent de tous côtés. Au fur et à mesure de la pièce, toutes les idées reçues et a priori de chacun vont s’effacer pour finalement les faire changer d’avis et donner une place à l’écoute de l’autre. Il s’agit là d’un véritable message de tolérance et de vivre ensemble.

Il est surprenant mais très agréable de constater que les dialogues s’appuient sur des exemples très récents et concrets de notre société. La salle s’en esclaffe d’autant plus. Nous avons beaucoup apprécié le fait que tout soit à prendre à la dérision, ce qui pousse le spectateur – nous compris – à se laisser d’autant plus aller. Cette comédie a été pour nous un très bon moment de divertissement !

Nous remercions beaucoup l’attaché de presse Guillaume Andreu, ainsi que nos rédactrices Célia Baroth et Adèle Mondine. Le Comédia, 4 boulevard de Strasbourg 75010 Paris – www.le-comedia.fr.

Février 2018

Horowitz, le pianiste du siècle

à la Salle Gaveau 

Rétrospective de la vie de l’un des plus grands pianistes du XXème siècle – La majestueuse salle Gaveau nous accueille ce soir pour la représentation unique d’Horowitz le pianiste du siècle. Nous voilà invités à découvrir tout le parcours d’une vie, celui d’un pianiste méconnu du plus grand nombre aujourd’hui et pourtant une vedette à l’époque, en Russie comme en Europe.

Horowitz le pianiste du siècle est un mélange raffiné entre les mélodies au piano de Claire-Marie Le Guay, la voix de Francis Huster contant l’histoire de ce grand pianiste russe, et des photographies projetées en arrière-plan représentant ce dernier aux différents âges de sa vie et les visages de ceux qui ont joué un rôle dans celle-ci. Dans ce spectacle s’installe un véritable dialogue entre la voix parlée et le piano, chacun laissant la parole à l’autre tour à tour: comment rendre hommage à un pianiste d’une plus belle manière que par le chant de cet instrument qui fut sa vie? C’est en tout cas la réponse qu’a apporté Steve Suissa, metteur en scène, à ce panorama d’une vie. Francis Huster, qui s’est fait un nom depuis des années dans le monde du cinéma, rencontre Claire-Marie Le Guay, diplômée du Conservatoire de Paris et détentrice de nombreux prix au piano.   

L’enfance, retranscrite toute en poésie avec l’attachement familial et l’importance de la figure maternelle, puis la découverte du piano, les travers politiques et l’exil pour pouvoir faire vivre la passion pour l’instrument sont relatés par la voix posée de Francis Huster. Celui-ci prend le rôle d’un narrateur omniscient; il devient la voix autobiographique qui se retourne vers son passé. Tantôt exalté, tantôt sujet aux doutes, les soubresauts de l’âme du pianiste nous sont retranscrits et nous lisons comme dans un livre ouvert les méandres de la vie de l’artiste. L’accompagnement de Claire-Marie Le Guay s’accorde à la perfection avec ces différents états d’esprit, le piano valsant d’une douce mélodie à des accents plus rythmés. Certaines questions telles que le déracinement d’un homme qui a quitté la Russie et vit loin de sa famille et de son pays natal prennent une consistance particulière: au-delà de l’homme connu, reconnu et applaudi se cache également un être sujet à la douleur qui reprend vie au piano pour lutter contre cette souffrance. Horowitz s’est rapidement fait une place incontestable dans le monde musical, gagnant petit à petit une reconnaissance à l’international. Raconté par ce point de vue sensible de l’homme, c’est l’humanité d’un homme public qui nous est dessinée, face aux épreuves de la vie.

La musique donne couleur à la vie: ainsi, elle a rythmé la vie d’Horowitz, et cette représentation lui rend un bel hommage par des sons et images entremêlées racontant chacun à sa façon l’histoire remarquable de ce pianiste qui a traversé son siècle avec brio malgré les embûches personnelles et politiques qui ont parsemé son chemin. Nous avons été touchés par ce récit de vie qui joint la vie d’un homme public avec la vie intime de ce même homme. Ainsi, nous avons pu pénétrer dans ce qu’il y a de plus humain dans tout homme, de celui dont personne ne connaîtra le nom à celui qui sera applaudi dans les salles de toute l’Europe. Nous avons particulièrement apprécié ces croisements sonores et visuels qui apportent chacun leur touche personnelle à l’édification de la vie du pianiste. Nous avons été touchés par la sensibilité de Francis Huster et Claire-Marie Le Guay qui parviennent à recréer par les mots et la musique le personnage d’Horowitz. Mélodie, voix et photographies nous ont transportés avec émotion dans le XXème siècle d’un pianiste qui mérite d’être plus évoqué aujourd’hui encore.

Nous tenons à remercier Guillaume Andreu pour son invitation, ainsi que notre rédactrice Adèle Mondine. Horowitz le pianiste du siècle s’est joué le 3 février à la Salle Gaveau au 45-47 rue La Boétie 75008 Paris – www.sallegaveau.com

Février 2018

Constellations

au Théâtre de l'Aquarium

L’amour plus fort que tout – Le Théâtre de l’Aquarium, convivial lieu de création à la Cartoucherie de Vincennes, nous propose Constellations jusqu’au 18 février prochain. Une ode à la vie amoureuse, à ses joies et ses tourments.  

 

Les premières scènes nous désorientent un peu: un barbecue à Londres, et la même discussion répétée plusieurs fois entre Marianne, jeune physicienne, et Roland, apiculteur. A chaque nouvelle version, une nouvelle intonation se dévoile, ainsi qu’une gestuelle. Cela recommence jusqu’à la création du moment parfait, celui qui invite au sentiment amoureux. Nous sommes fascinés. Le couple vit, s’aime, se déchire, se supporte: nous nous retrouvons dans cette superbe histoire. Marianne et Roland, différents, s’assemblent parfaitement. 

 

Et c’est avec impatience que nous attendons la scène suivante pour qu’elle soit retravaillée et devienne le moment parfait qui ne fera que rapprocher nos deux personnages si captivants. Maxence Vandevelde incarne Roland, ce jeune homme ambitieux et amoureux des abeilles. Il nous plaît par sa simplicité et son dévouement pour son épouse. Mention spéciale pour l’interprétation de Marianne par Noémie Gantier avec brio: elle nous émeut par sa force d’esprit et sa détermination si belle et si attachante. Son travail est remarquable: par sa voix modifiée selon les moments de sa vie ainsi que ses postures lorsque Marianne est malade. Leur amour est beau et pur qu’importent les aléas de la vie, ils sont présents l’un pour l’autre. C’est un vrai travail d’acteur qui nous est proposé à travers ces changements d’attitudes et d’ambiances. Le destin est fait de peu de choses et c’est avec joie que nous y assistons. Peu de décor et des jeux de lumières suffisent à nous faire voyager dans le temps et l’espace, une mise en scène de génie! 

 

La Compagnie du Prisme est créée en 1998 par Capucine Lange et Arnaud Anckaert, metteur en scène de Constellations. C’est avec une certaine attirance pour les textes anglo-saxons que la Compagnie s’épanouit en traduisant les œuvres et en présentant les premières mises en scène françaises. Elle a notamment travaillé sur Revolt. She said. Revolt again d’Alice Birch ainsi qu’Orphelins de Dennis Kelly. Depuis 2013, la Compagnie du Prisme crée des textes en relation avec le monde actuel dans le cadre du Festival Prise Directe. 

 

Constellations est un magnifique hommage à la vie de couple, fait d’amour, de défis et de rebondissements. Nous nous retrouvons tous en Marianne et Roland, et nous aimons leur force de caractère à chaque moment de leur vie. Nous remercions infiniment Catherine Guizard, attachée de presse de talent, ainsi que notre rédactrice Bénédicte Alessi. Le Théâtre de l’Aquarium - Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris - www.theatredelaquarium.net 

Février 2018 

L'Eveil du Printemps

au Théâtre de l'Epée de Bois 

La différence et l’insertion – Nous avons eu la chance immense d’assister à la dernière création d’AiatFayez au Théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes. C’est en ce lieu emblématique que nous découvrons l’histoire de A, jeune platoniunien qui rêve depuis toujours de vivre sur Terre, et plus particulièrement en France. Une œuvre qui fait plaisir à voir par son incroyable travail technique et émotionnel.

 

Une troupe d’artistes pleine d’énergie se présente alors à nous pour la première partie de la représentation: la vie sur la planète Platoniun. Un monde proche du nôtre et pourtant si différent. Les platoniuniens sont fascinés par la Terre et les terriens qui pour certains, vivent sur cette nouvelle planète. De peaux bleue, A et ses amis vont à l’école française et nous nous immisçons dans leur vie, leurs coutumes intéressantes et leurs émois amoureux. Nous comprenons surtout l’envie, le désir et le besoin du personnage principal d’aller en France. Il ne parle que de ça, les étoiles dans les yeux. C’est rapidement que nous nous attachons à A, il nous fait sourire par ses actions enfantines et ses réflexions sur la vie. Tout au long de la création, nous ne pouvons que nous sentir liés à ce personnage fait de bonne volonté.

 

A part enfin et se retrouve en France, il doit vivre l’intégration difficile, le regard des autres et les préjugés. Les codes ne sont plus les mêmes et il se retrouve perdu face à des situations qui lui paraissaient pourtant normales. Nous assistons à la désillusion de notre personnage si attachant. Plein d’émotions et de parallèles avec notre monde, L’Eveil du Printemps nous propose une vision forte et touchante de l’accueil vécu par certaines personnes lors de leur changement de vie.Les sentiments sont forts et nous sommes attristés à la vue de cette déception. Rythmé par une musique correspondant à chaque univers: onirique sur Platoniun et éclectique sur Terre, la pièce est un réel voyage pour le spectateur fasciné tout au long de la création.

 

AiatFayez est un auteur accompli à l’origine de nombreuses œuvres à succès notamment traduites en Allemagne. Sa première pièce Les Corps Etrangers est mise en espace à Marseille et mise en scène par la Comédie Française. Sa sublime création à laquelle nous avons assisté a été enregistrée par France Culture en 2016.

 

L’Eveil du Printemps, une œuvre dans l’ère du temps nous faisant réfléchir sur nous-même et le monde dans lequel nous vivons. A voir ou à revoir! Pour l’invitation à ce magnifique spectacle, nous remercions l’émérite attachée de presse Catherine Guizard, ainsi que notre rédactrice Bénédicte Alessi. Le Théâtre de l’Epée de Bois - Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris - www.epeedebois.com

Janvier 2018

Le Menteur de Corneille

au Théâtre de La Tempête

Quand le théâtre classique rencontre l’époque moderne – A l’écart de l’agitation incessante du centre-ville parisien, le bois de Vincennes révèle en son sein la Cartoucherie, un lieu de bouillonnement culturel où se côtoient différentes scènes, dont celles du Théâtre de la Tempête.

 

En ses murs se joue actuellement Le Menteur, une pièce de Corneille remise à l’ordre du jour par la metteuse en scène Julia Vidit. Le cadre est sans égal à Paris : cet ancien lieu de fabrication d’armement et de poudre a fait peau neuve dans les années 1970 par l’action d’Ariane Mnouchkine pour devenir un foyer de réjouissances culturelles au cœur de la nature. C’est un plaisir de s’éclipser des lumières éblouissantes de la ville pour se réfugier dans un théâtre tel. Comme dans une maison familiale, tables et chaises en bois vous attendent pour dîner ou boire un verre avant la représentation. Ici, la convivialité semble être le maître-mot. Vient l’heure de s’installer dans la salle Serreau. Sur scène, un immense miroir renvoie au spectateur sa propre image. La pièce débute et dès les premiers instants, nous sommes plongés dans une ambiance où modernité côtoie vers classiques sans aucun accrochage.

Dans cette pièce, Corneille a fait peau neuve, mais dans une finesse et un entrain remarquables. Les comédiens sont empreints de contemporanéité dans leurs costumes, flanqués de baskets, de joggings ou de robes flashy, et jusque dans leur interprétation du texte par leur diction, par leurs expressions du visage comme par leurs mouvements. Pièce du XVIIème siècle peutêtre, on ne peut cependant pas nier la présence d’échos avec notre société actuelle où l’image est toujours plus importante: les mensonges de Dorante, témoins d’une préoccupation sur l’image renvoyée à l’autre, sont renforcés par des jeux de scène où les acteurs prennent le temps de se recoiffer face au miroir, ou encore par les costumes où le corset est symbole d’une société bâtie sur des codes.

Sur les planches, peu de décor mais cet immense miroir modulable qui s’accorde aux péripéties et crée d’intéressants jeux de reflets en créant mille réflexions du personnage quand celui-ci se questionne sur le devant de la scène. Les transitions entre sont également propres à faire souffler un vent de fraîcheur sur le théâtre cornélien : de la musique techno, mêlée à des accords classiques, ponctue la pièce en lui assignant un rythme marqué et entraînant.

 

Dans cette mise en scène, Julia Vidit entend remodeler la pièce « élaguant quelquefois, reformulant tantôt » pour faire coller le texte à des temps plus actuels et à des pensées contemporaines. L’un de ses chevaux de bataille: redonner à la femme un rôle plus consistant. Dans la pièce originale, Lucrèce est un personnage qu’elle qualifie de quasimutique alors qu’elle devient un personnage clé dans cette nouvelle interprétation du texte. Le personnage de Clarice, lui, prend une dimension particulièrement psychologique en menant une véritable réflexion sur la transparence et la sincérité des actes: elle refuse de se marier avec Alcippe pour qui elle n’éprouve aucun penchant, une autre manière d’interroger la question de vérité.

Cette nouvelle mise en scène du Menteur offre au spectateur une pièce haute en couleurs: elle apporte de nouvelles teintes à cette comédie classique, et est interprétée par des comédiens jeunes et de grand talent. Nos chaleureux remerciements vont à l’attaché de presse en théâtre Pascal Zelcer, ainsi qu’à notre rédactrice Adèle Mondine. La pièce est à découvrir au Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris, du 18 janvier au 18 février 2018. –  Photographies : Anne Gayan– www.la-tempete.fr

Janvier 2018 

Smoke Rings

 au Théatre Ciné XIII

L’improbable mais indispensable théâtre immersif. Oserez-vous l’expérience ? - C’est avec un immense plaisir que nous avons répondu à l’invitation de Vincent Serreau, attaché de presse émérite, à nous rendre au Ciné XIII. Ce théâtre est devenu incontournable grâce à sa jeune équipe emmenée par Salomé Lelouch depuis maintenant 15 ans. Elle s’est emparée de ce lieu hyper-dynamique pour y accueillir des compagnies émergentes ou confirmées, des spectacles pluridisciplinaires ou jeune public, pour un théâtre à la fois exigeant et populaire.

Dès notre arrivée, un accueil inattendu : des questions inhabituelles, l’attente derrière un rideau noir qu’une lumière rouge veuille bien passer au vert. Ensuite, chacun de nous se voit remettre une rose rouge ou blanche qui provoquera la séparation de notre petit groupe. Tout ceci ne fait qu’instiller une douce et délicieuse inquiétude. Devant tant d’interrogations et une fuite inenvisageable nous ne pouvons que décider de nous laisser emmener par notre intérêt grandissant et un brin craintif. Autant d’émotions avant même le début du spectacle est une première. A moins que… le spectacle n’ait déjà commencé ?

Alors que les roses blanches s’enfoncent dans les entrailles du théâtre vers sa bibliothèque, les roses rouges restent en son bar. Limité à 40 personnes par représentation, nous nous retrouvons donc une vingtaine à attendre. Immédiatement une intimité s’installe. Nous échangeons, nous nous questionnons durant ces quelques minutes et une évidence éclate. Dans leur génie, Léonore Confino et Sébastien Bonnabel ne nous auraient-ils pas transformés, nous simples spectateurs habitués à nous retrancher confortablement derrière le quatrième mur, en acteurs !? Sensation de mise en danger et curiosité grandissante.

D’après l’écrivain irlandais Colum McCann,’’La perfection réside moins dans le spectacle que dans le voyage vers la scène’’. Cette citation prend toute son ampleur lorsque l’on nous invite à suivre une rose de notre couleur portée par une jeune femme. Tout s’embrouille, est-elle membre de l’équipe technique ? Membre de la troupe ou une simple spectatrice enrôlée ? Nous nous interrogeons à voix basses en suivant le mouvement vers les fondations du théâtre pour déboucher non pas dans la salle, mais bien sur la scène que les autres roses occupent déjà. Silences, échanges de regards interrogateurs. Nous voilà livrés à nous même dans une nouvelle attente. Plus rien ne bouge jusqu’à ce que 2 spectateurs se mettent à dialoguer… Le spectacle commence ou continue ? A l’issue de cette première scène formelle, les roses se sépareront à nouveau pour vivre des expériences différentes avant de parfois se retrouver.

La mise en scène est millimétrique, absolument parfaite dans son apparence chaotique. Sébastien Bonnabel nous entraîne dans tout le théâtre, dans ses coursives, ses loges, ses escaliers. Chaque lieu devient une scène dont nous faisons partie. Spectateurs invisibles ou acteurs discrets, la frontière est ténue. Léonore Confino elle, nous entraîne dans la vie. Dans ce qu’elle a de plus simple, de plus vrai, de plus profond. Relations entre des humains qui qui se demandent finalement si vivre à 2 est naturel, si les anneaux qui nous lient ne seraient pas que fumées. Son Texte ne semble pas écrit tant chaque mot est d’une justesse absolue. Les comédiens sont immenses de précision mais aussi de courage. En effet, qu’y a-t-il de plus complexe à représenter que ce que nous vivons tous naturellement chaque jour ? Revivre certaines de nos propres expériences jouées dans une telle proximité, avec une telle authenticité, est jubilatoire.

A l’issue de la dernière scène il nous est vraiment difficile de nous séparer immédiatement tant les liens créés entre tous les spectateurs et acteurs sont forts. Un épilogue est nécessaire. L’équipe nous offre alors un dernier cadeau, celui de nous retrouver entre amis autour d’un verre à entonner quelques chansons. Moment de grâce et d’échange sans façon avec Sébastien Bonnabel et toute sa troupe. Un spectacle à voir deux fois au moins (rose rouge et rose blanche) qui vous emplira d’un bonheur tenace. - www.cine13-theatre.com 

Janvier 2018 

Carnet de Notes

au Théâtre du Lucernaire

« En sortant de l’école, nous avons rencontré ….» – Ah, l’école… Qu’on y repense avec nostalgie ou avec effroi, on ne peut nier le lot de souvenirs qu’elle nous a apportés du primaire au lycée. C’est un retour joyeux dans ces jeunes années que nous propose la compagnie pleine de vitalité et d’enthousiasme du Sans Souci dans son riche spectacle musical Carnet de Notes. Ce 10 janvier, nous avons assisté à cette représentation sur les banquettes rouges du Lucernaire, un théâtre au charme atypique bâti au cœur d’une ancienne usine désaffectée.

Au programme, une rétrospective des épisodes de la vie de l’élève et du professeur tout en musique: la troupe nous immerge dans des souvenirs universels d’école en revisitant un répertoire varié de chansons françaises. Le brouhaha de la cantine, l’animation de la fameuse «salle des profs», le calvaire de la rentrée scolaire jusqu’aux résultats du baccalauréat; des scènes vécues qui parleront à tout écolier, quel que soit celui que nous avons été. Entre chants et dialogues, la troupe se distingue par un humour délicat en peignant la jeunesse, les professeurs et leurs interactions tout en finesse. Tour à tour, les comédiens endossent le rôle d’enseignant et d’élève au rythme de la guitare. De l’image de l’instituteur sévère du XXème siècle à celle de la professeure paniquée par le souci de bien faire, de l’élève dans la lune à l’élève appliqué, les scènes s’enchaînent avec un dynamisme épatant. La Compagnie du Sans Souci apparaît pleine de vie et leurs voix et jeux de scène s’accordent dans une harmonieuse symphonie.

Sur scène, ils sont sept comédiens-chanteurs aux parcours variés. Créée en 1999 avec leur premier spectacle De la Bouche à l’Oreille, la Compagnie du Sans Souci se présente comme une petite structure aux objectifs naturellement énoncés: «donner envie aux gens d’aller au théâtre», «aider les enfants à se munir d’outils contre les maltraitances», «prévenir le mal-être chez les adolescents» et «enchanter les publics avec des airs connus méconnus et reconnus». A l’origine de la mise en scène du Carnet de Notes, Mariline Gourdon-Devaud et Isabelle Turschwell, deux amies de longue date qui partagent les mêmes passions pour le théâtre et la musique. Elles se sont illustrées dans de nombreuses mises en scène, et sont également comédiennes et chanteuses; des talents qu’elles mettent notamment en relief au sein de la Compagnie du Sans Souci. Dans Carnet de Notes, elles énoncent une volonté d’aborder un thème qui concerne et suscite des émotions partagées par l’ensemble du public.

Nous remercions vivement la talentueuse comédienne Camille Voitellier et l’attaché de presse Pascal Zelcer pour leurs très aimables invitations au spectacle ainsi qu’Adèle Mondine notre rédactrice. Carnet de Notes est un spectacle plein de vie qui laisse son spectateur conquis à sa sortie, à découvrir au Lucernaire au 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris. Photographies: Karine Letellier – www.lucernaire.fr - Janvier 2018

Penser qu'on ne pense rien, ...

au Théâtre de Belleville

Notre monde sans dessus dessous – C’est au Théâtre de Belleville que nous avons assisté à la dernière pièce de Pierre Bénézit, une réflexion déjantée sur notre monde nous est alors présentée. En cette belle soirée de janvier, nous arrivons dans le charmant théâtre accompagnés d’une foule impatiente de découvrir la pièce au titre intriguant: Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose.

 

Nous entrons en salle et Vincent Debost, qui incarne Paulbert, est assis sur scène. Il nous regarde un peu, il réfléchit et prend des notes avec attention. Il est en pleine création. Silence. Gérald, interprété par Olivier Broche, s’installe à côté de son cousin. Tous deux entament une discussion surprenante qu’ils répètent plusieurs fois: elle doit être parfaite. Leur style et façon de parler nous intriguent et nous nous demandons ce qu’ils font.

Anne Girouard jouant Barbara arrive dans le magasin des cousins. Un magasin spécial puisqu’il ne contient que cinq chaises. La jeune femme voulait une bouteille de vin, elle reste avec Paulbert et Gérald pour entrer dans une discussion hors du commun, ubuesque et rocambolesque. Persuadés que tout a été dit, ils vendent des discussions toutes faites.

 

Nos trois personnages philosophent alors sur le sens de la vie, du monde, de la mort avec humour et sérieux: de quoi nous faire réfléchir dans la bonne humeur. Leurs obsessions deviennent vite les nôtres et nous évoluons dans un univers fou et plausible à la fois.

Dans le public, nous sourions, rions en cœur à chaque nouvelle idée. Barbara aime ne rien faire, juste allonger le temps en s’ennuyant. Elle apprend alors à Gérald comment faire pour littéralement se tourner les pouces. L’audience n’en revient pas, et tout le monde se met à rire. Encore plus lorsqu’il découvre, en se tournant les pouces, que la poule est arrivée avant l’œuf ou encore pourquoi les enterrements sont tristes alors qu’ils auraient pu être joyeux.

Le texte est beau, rythmé avec brio par les artistes-interprètes qui viennent d’univers différents et qui forment un trio que nous avons adoré. La pièce est en constante évolution, nous arrivons dans un monde normal et partons la tête remplie d’idées nouvelles et de poésie.

 

Le Théâtre de Belleville, lieu d’accueil des jeunes créations, est un endroit chaleureux qui respire la joie de vivre. Nous avons aimé cette ambiance à la bonne enfant et cette pièce de qualité interprétée par des acteurs de talent. Nous remercions Isabelle Muraour et Emily Jokiel, émérites attachées de presse du ZEF pour cette belle découverte ainsi que notre rédactrice Bénédicte Alessi. Penser qu’on ne pense à rien, c’est déjà penser quelque chose est une pièce haute en couleur, pleine de questionnements traités intelligemment mais toujours avec humour à découvrir. - www.theatredebelleville.com Janvier 2018

Intra Muros

au Théâtre de la Pépinière

La saisissante nouvelle création d’Alexis Michalik – Devant la façade du Théâtre de la Pépinière, une foule de spectateurs s’attroupe déjà trente minutes avant le début du spectacle; comme nous, tout le monde a hâte de découvrir la nouvelle création Intra Muros écrite et mise en scène par Alexis Michalik. Retour sur une incroyable soirée dans ce théâtre parisien réputé pour sa programmation de premier ordre. 21h, la salle est comble. Les comédiens entrent en scène. Richard, joué par Paul Jeanson, nous interpèlle franco: «C’est quoi pour vous le théâtre ?». Le metteur en scène sur le retour, personnage principal de la pièce, suscite notre intérêt: «la vie!», «une aventure», «des émotions», «une expérience». «Le théâtre, c’est un endroit où il se passe toujours quelque chose. ». En effet, mais alors que se passe-t-il quand le théâtre arrive dans un endroit hors du commun ?

 

Le plateau, avec peu de décors, est transformé en permanence, bricolé par cinq excellents comédiens qui nous amènent chacun à leur tour dans un univers singulier. La frontière entre réalité et passé devient floue et les personnages ont tous une histoire vécue à raconter, un passage d’une vie à partager. Alexis Michalik nous invite dans un nouvel univers, plein de rêves et d’espoirs.

 

Jeanne Arènes, récompensée aux Molières pour Le Cercle des Illusionnistes, joue le rôle de l’ex comédienne, et ex épouse, de Richard, elle y brille comme toujours. Alice de Lencquesaing incarne une jeune assistante sociale. Les deux femmes accompagnent le professeur pour donner des cours de théâtre à la fameuse Centrale de Nevers. Ils pensent avoir un grand succès et susciter des passions. Certains détenus ont connu plus d’années de détention que de liberté, seront-ils au rendez-vous pour échapper à leur triste sort?

 

L’enthousiasme de Richard est vite calmé. Seulement deux détenus se présentent au cours. Fayçal Safi joue le rôle de Kevin, jeune homme enragé contre la société. Il est récidiviste, dragueur et plein de colère. Son ami Ange, la cinquantaine passée et introverti, est venu pour le soutenir. Il est interprété par Bernard Blancan avec ferveur. En faisant des exercices théâtraux, les détenus sombrent dans un état second, presque diabolique, mais véritable. Leurs fantômes ressurgissent avec une intensité poignante et absolue.

 

La jeune assistante sociale paraît n’avoir aucun intérêt particulier, ni ambitions. Elle se dévoile soudainement comme le projet d’une vie. Cette réflexion finale, osée et audacieuse amène à la finalité de l’impasse mûrement réfléchie par celle-ci. Jeanne Arènes nous fascine par son interprétation des différents rôles, tantôt jeune et insouciante, tantôt abusée, bouleversée et dépassée; elle reste juste, qu’importe la situation. Raphaël Charpentier créateur sonore nous transporte pendant toute l’étendue de la pièce, avec des bruits du milieu carcéral: portes, cris lointains, et un accompagnement musical en total accord avec les scènes.

 

A nouveau, le jeune prodige de la mise en scène française Michalik a frappé fort: il nous livre une pièce poignante, pleine de rebondissements, une invitation forte à un voyage dans l’espace et le temps, à partir d’un huis clos sombre et prenant. Upercut direct, la pièce nous met à terre dès ses premières scènes, on est scotchés, tenus en haleine de bout en bout. Le maestro se joue de nous et de nos pensées préconçues, il démonte tout, fait place nette. Le vide et le temps prennent matière et seuls les personnages singuliers redonnent vie à l’Humanité. Une pièce choc qui enflammera le public criant et ovationnant une si belle maîtrise de son art. Comme pour toutes les pièces de Michalik, il signe à nouveau un chef d’œuvre contemporain, dans un registre certes différent. Il raconte l’humain dans sa face noire, ses espoirs aussi et puis l’amour surtout. Beau et touchant, le jeu des acteurs nous met K.O., mais on reste sur le ring, on en redemande !

 

Alexis Michalik a fait ses premiers pas sur scène sous la direction d’Irina Brook, en incarnant le rôle éponyme de Roméo et Juliette. C’est à la télévision qu’il perce, notamment dans Petits meurtres en famille ou Versailles. Parallèlement, il joue comédies comme pièces sérieuses, il est dirigé par Thomas Le Douarec dans Le Dindon. Alexis Michalik crée aussi des pièces déjantées comme R&J inspiré de Shakespeare avec la compagnie Los Figaros. Après avoir reçu plusieurs Molières pour ses pièces historiques Le Porteur d’Histoire, Le Cercle des Illusionnistes et Edmond, le jeune metteur en scène de 34 ans s’intéresse ici à un thème plus contemporain. Avec cette dernière pièce, il travaille sur un sujet grave et original, inspiré de son expérience personnelle.

 

Nos remerciements s’adressent à nos rédactrices Angelina Belle et Bénédicte Alessi, ainsi qu’à Vincent Serreau et Pascal Zelcer, émérites agents de presse. Un spectacle émouvant, qui nous prend aux tripes, nous rappelle les difficultés de la vie et les détails qui peuvent bouleverser un destin. Intra Muros, un spectacle d’Alexis Michalik à voir et à revoir au Théâtre de la Pépinière au 7 rue Louis Le Grand 75002 Paris – www.theatrelapepiniere.comDécembre 2017

Non à l'argent !

au Théâtre des Variétés

Une comédie française énergique et réussie – Monter une pièce sur l’argent en France n’est pas chose facile, encore moins pour une comédie. C’est pourtant le pari réussi qu’a pris la metteuse en scène de talent Anouche Setbon montant la pièce satyrique Non à l’argent ! de la brillante auteure Flavia Coste, plume française issue de la Rue Blanche -Ensatt.

 

Sur l’invitation du grand agent de presse spécialisé Guillaume Andreu, nous nous rendons pour la première fois au Théâtre des Variétés, un écrin historique riche de dorures d’époque qui abrite chaque saison une sélection choisie des meilleurs pièces parisiennes du moment. Nous nous pressons d’aller admirer le magnifique plafond enluminé de ce théâtre classique qui n’est pas sans rappeler celui de l’Opéra Garnier. Nous avons hâte de découvrir l’une des pièces comiques les plus attendues de la rentrée et fort annoncée dans plusieurs médias parisiens. La salle comble scintille sous les ornements riches des balcons revêtus de rouge et or. L’assemblée mêle jeunes et moins jeunes, venus ici découvrir une comédie qui jouit de plusieurs têtes d’affiches bien connues des français.

Ainsi, le personnage central de la pièce, l’architecte Richard, est joué par Pascal Legitimus, lequel est entré au patrimoine affectif des français depuis les célèbres aventures comiques des Inconnus depuis 1986. Sa mère est incarnée par l’émérite Claire Nadeau, autre icône du théâtre et du cinéma français. S’y adjoignent le meilleur ami personifié par l’acteur confirmé Philippe Lelièvre et le rôle de la femme de Richard est porté à sa meilleure expression par la dynamique Julie de Bona. Un huis clos fort à quatre voix et quatre personnalités bien trempées qui permettront toutes les témérités et toutes les réconciliations.

 

Le rideau rouge se lève, le décor est planté: nous sommes dans un HLM de la banlieue de Limoges, Richard a invité sa mère et son meilleur ami à dîner pour leur annoncer une nouvelle importante. Sa femme est aux fourneaux. Tout va pour le mieux dans le joli intérieur de ce couple aimant qui vient d’avoir un bébé. L’harmonie et la joie y règnent avec douceur et quiétude.

 

Jusqu’au moment où Richard annonce à tous la nouvelle qui lui tient tant à coeur de partager enfin: il fût l’heureux gagnant il y a deux mois du gros lot du loto, soit 162 millions d’euros, qu’il a candidement refusé, par principe et conviction, aussi pour changer ce monde trop avide d’argent, car l’argent risquerait de leur pourrir leur vie si paisible et si vraie. Stupeur et atermoiement, l’entourage de Richard en révolte totale oscille entre crise ouverte et complots ourdits, plaide la folie, avec la vélléité finale de commettre un acte terrible pour se débarasser de Richard et de sa subite hérésie d’égoiste.

 

Deux mondes s’opposent et la pièce est aussi sujet de réflexion sur notre rapport sociétal à l’argent. Les énergies se défoulent, se lâchent et les âmes bien rangées se laissent aller aux plus insensées des divagations. Caricature de notre monde réél où l’argent est roi, cette pièce joue très subtilement sur notre amour-haine bien cynique de l’argent. La pièce est harmonieuse, sans temps mort, on rit du début jusqu’à la fin. Le texte acerbe est servi par quatre comédiens de haut talent et une mention spéciale sera décernée à Pascal Légitimus en gentil idéaliste révolutionnaire et à Claire Nadeau en mère accariate sans scrupules. Les humeurs grincent, la tension est palpable puis tout explose, se déchaîne, plus rien ne compte autre que l’argent et sa possession à tout prix. Les passions sont exacerbées, on se demande jusqu’où iront les protagonistes. Cocasse et rocambolesque, tout en partant d’une réalité sage du quotidien moderne, on ne s’attend pas à autant d’action, ce fût une surprise qualitative au jeu de scène assuré.

 

Nous sortons du théâtre pleins d’émotions et avons le souvenir de fous rires pleins la tête. Certainement l’une des comédies les plus réussies de la saison, qui est aussi fluide que réjouissante. On a aimé les rebondissements de dernière minute, les phrases iconoclastes, l’effondrement vécu de toutes les inhibitions personnelles et sociales. Un grand show de comédie rocambolesque qui réjouira plus d’un spectateur amateur de bon rire garanti. Un beau spectacle énergique qui se produit actuellement au Théatre des Variétés à Paris, nous recommandons vivement. Pour cette belle découverte, nos remerciements s’adressent à Guillaume Andreu et à Angelina Belle. - www.theatre-des-varietes.frOctobre 2017

Des Souris et des Hommes

au Théâtre de la Michodière 

Une pièce poignante et réussie – Nous avions hâte de nous rendre au célèbre Théâtre de la Michodière, un théâtre reconnu pour une sélection choisie des pièces artistiques et illustres qui fût l’hôte bienveillant des plus grandes pièces du répertoire français. Une première pour nous, découvrant les dorures et les sièges rouges flamboyants de cet édifice émérite. L’émotion est sensible dès l’entrée dans ce joli amphithéâtre si typique des arts vivants parisiens.

 

Traversons l’Atlantique et adressons nous au répertoire américain pour en distinguer l’une des pièces les plus connues de celui-ci, adaptée du roman Des Souris et des Hommes de John Steinbeck.(Of Mice and Men, 1937). Une oeuvre monumentale que tout un chacun a pu étudier dans sa scolarité, un grand classique de littérature américaine.

 

Rien de classique ni de scolaire dans cette pièce choc adaptée en français par Jean-Philippe Evariste et par Philippe Ivancic (lequels jouent sur scène un duo sensible et humain). L’action est campée: nous sommes sur les terres hostiles de l’Ouest américain, ces terres arides et chaudes de Californie, laissant place à un huis clos austère, violent, délétère et pesant.

 

Les personnages de George Milton et de Lennie Small, joués par Jean-Philippe Evariste et par Philippe Ivancic respectivement – deux grands acteurs français de talent – tout comme cette troupe de dix acteurs d’une qualité de jeu constante, font figure de duo fait d’amitié franche et masculine, un couple plein de rêve prolétaire des terres promises de l’American Dream.

 

Leur complicité et leur camaraderie va être mise à mal au contact de cette grande famille du ranch sur lequel on les exploite, on les maltraite, on les aliène. Au fil du déroulé de cette pièce riche en suspens, mise en linéarité volontaire jusqu’à la chute finale abrupte, rien ne laisse présager les drames qui s’y préparent.

 

Le drame social germe dans ces haines, ses jalousies, cette violence brute, raciale et sans retenue qui se livrent sur scène. C’est fort et choquant, cela nous prend aux tripes. De l’inconstance des relations humaines naissent des dynamiques acerbes où s’entremêle pauvreté, misère, autorité, dictature même. On sent l’homme seul, désemparé, déshumanisé. Les acteurs et les actrices jouent à merveille leurs rôles trempés dans l’acier américain de cette conquête de l’Ouest. La mort rôde et ce sera d’abord la souris fragile, le vieux chien, puis la femme poupée autant désirée que haïe, puis la trahison et le meurtre du fidèle compagnon par nécessité du désespoir.

 

Steinbeck nous emporte dans son monde brut de décoffrage, révélant l’humain à fleur de peau, avec ses faiblesses, sa sauvagerie aussi. Un conte philosophique sur fond d’Amérique en crise gave, pauvre et sans espoir. Une pièce à vivre, faute d’émotions dramatiques, un chef d’oeuvre joué à merveille. Nos remerciements s’adressent à l’agent de presse Alain Ichou et à Lilian Kreutz - www.michodiere.comAvril 2017

C'est encore mieux l'après-midi

au Théâtre Hébertot

Une pièce joviale et colorée - "C'est encore mieux l'après-midi" est une comédie de boulevard pétillante qui traverse le temps pour permettre aux comédiens de s'amuser sur scène sans retenue.Le beau Théâtre Hébertot est l’écrin idéal pour cette pièce de vaudeville à rebondissements adaptée par Jean Poiret de la célèbre pièce anglaise de Ray Cooney. On retrouve ici les ressorts et les contrepétries du cocasse de situation, des quiproquos comiques et même de l’improbable (acteurs et actrices se retrouverons tous en sous-vêtements sur scène).

 

Les portes claquent, on s’emporte, on se réconcilie, on vit. L’intrigue comique fonctionne à plein régime, on ne sait où tout cela finira, on se laisse porter volontiers par les effluves rhétoriques, les chutes et les esclandres, c’est joli et divertissant. Une pièce qui fonctionne bien, relevée par un très beau casting, des acteurs de haut niveau, avec mention spéciale donnée à Pierre Cassignard. Le décor tout en originalité ajoute à l’harmonieuse performance. On recommande, une pièce de qualité où le rire est à foison.

Chaque artiste a su avec habileté et brio, le temps d'un après-midi dans un hôtel, emmener le spectateur dans la situation d'un homme politique, plus précisément un député, se faisant aspirer dans l'engrenage de quiproquos tournant autour de l'adultère. Des moments cocasses et burlesques, des interprétations tempétueusement humoristiques qui ont permis d'offrir au public des instants extrêmement drôles et plein de surprises.

 

Nous avons été séduits par la chaleureuse et dynamique implication de comédiens à vouloir partager leurs émotions, à communiquer cette joie de jouer dont le résultat provient d'un travail collectif remarquable. "C'est encore mieux l'après-midi" nous a permis de passer un moment très plaisant, de nous détendre réellement et d'apprécier la qualité des jeux de rôle. Le décor proposé invite encore mieux à se plonger dans cette invraisemblable histoire au rythme soutenu qui nous a donné l'opportunité de découvrir une troupe d'artistes s'évertuant à tout donner sur scène pour le plus grand plaisir du public.

 

Un spectacle croustillant et hilarant. Nous avons rit à gorge déployée et en remercions tous les artistes. Ce fût un réel bonheur d'avoir pu assister à de telles scintillantes prestations afin de partager une très belle parenthèse temporelle provenant d'une magnifique profession qui donne à Paris une valeur unique. Le public parisien ne peut que se réjouir et être fier d'avoir des artistes jouant avec autant d'enthousiasme et de passion. Nous nous réjouissons vivement de retrouver toutes ces belles personnes dans de futures pièces dont les thèmes susciteront encore plus l'envie d'aller les voir. Nos remerciements d’adressent à Laurence Falleur Communication pour leurs très aimables invitations de presse. Photos: Laurencine Lot. -www.theatrehebertot.com - Avril 2017

Silence, on tourne !

au Théâtre Fontaine

Une étonnante et belle surprise comique - Nous aimons découvrir des pièces de théâtres permettant de s'évader et d'oublier un instant les tracas du quotidien. Silence, on tourne ! est le médicament à prendre pour ce faire. C'est une déconnexion totale pour nous embarquer dans une histoire dont la mise en valeur est faite par la très belle interprétation théâtrale d'un groupe d'artistes dynamiques et remarquables.

 

Cette pièce, jouée au Théâtre Fontaine, est l'assemblage de petites histoires croustillantes qui s'enchevêtrent pour animer un cadre dans lequel une équipe de tournage d'un film s'amuse à faire vivre aux spectateurs des situations drôles, cocasses et burlesques. Un vaudeville brillant où le public est pris amicalement en otage à titre de figurant pour rendre la scène de tournage encore plus vivante. Une idée très originale dans laquelle le spectateur est totalement captivé par le déroulement des événements qui défilent devant ses yeux.

 

Nous avons apprécié de voir cette si belle synergie découlant de la complémentarité entre artistes. L'histoire est à la base simple, mais l'énergie dégagée par la troupe d'artistes nous a offert des moments délirants et nous a permis de se nourrir à maintes reprises de bouffées de rire positives. Le public a pu ainsi apprécier une mise en scène rondement menée par des personnages dont le talent provient d'abord de jouer chacun un rôle animé par une force collective communicante et stimulante.

 

Une pièce de théâtre que nous recommandons vivement. Ce fût pour nous un plaisir d'avoir été témoins d'autant de personnes joyeusement appliquées à nous livrer le meilleur d'eux-mêmes pour partager un moment chaleureusement humain. - www.theatrefontaine.com - Février 2017

C'est Noël tant pis

de Pierre Notte

Une comédie fine et efficace – L’émérite agent de presse Pierre Cordier a l’amabilité de nous convier à découvrir la pièce C’est Noël tant pis, une belle production du Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées qui est jouée sur une scène parisienne que nous aimons beaucoup, la Comédie des Champs-Elysées. Il s’agit d’une prolongation, suite au succès reçu de la critique et du public, nous avons hâte de découvrir de quoi il retourne. Nous retrouvons les ors et dorures de la Comédie des Champs-Elysées en ce samedi soir, devant un public gai et attentif. La pièce commence et plante le décor: nous sommes dans l’intimité familiale d’un jeu malsain tragique mais aussi comique d’une famille française, la veille de Noël. Les deux grands acteurs français Bernard Alane et Silvia Laguna qui campent le père et la mère tiendront en haleine le public durant la première partie par un jeu remarquable, qui habille la scène à lui seul. Une scène composée d’un décor minimaliste mais aussi bien conçu, évolutif.

 

Le texte est riche mais également commun, parfois choquant, il est vrai, fort et très vite les touches d’humour fusent. C’est un humour mis en abîme, qui caresse les miroirs de nos propres familles. On en rit, on en pleure presque aussi, le drame humain dans toute sa splendeur (violence et faux suicide), c’est loufoque et iconoclaste simultanément. On retrouve ici la plume acérée de l’auteur français acclamé Pierre Notte. Une pièce dansée et chantée, qui traite avec légèreté nos humeurs, nos humours, nos amours. Ses personnages sont à la fois attachants et détestables. Tout d’un coup, la pièce s’emballe et décolle vraiment, ceci correspond à la destruction du décor par la belle-fille et les deux fils sortent de leur réserve pour donner toute la puissance de leur jeu scénique.

 

C’est fort et brillant, direct comme un upercut. On rit encore plus, on s’esclaffe, on dramatise lorsqu’un suicide se prépare, lorsqu’on s’en prend à la grand-mère. Tout y passe: les travers familiaux, les impudeurs, les secrets révélés et les aveux extorqués, du grand portrait social peint au vitriol. Notte définit ici un style comique bien à lui: léger et subtil, tout en traitant des sujets lourds, nos abandons, nos résignations, il questionne aussi l’homme, l’humain, le couple, la société en somme. Une pièce parfaitement conçue et remarquablement jouée, un bis repetita rondement mené et divertissant à aller découvrir en ce début d’année 2017 - www.theatredurondpoint.frFévrier 2017

Spectacles parisiens de cet hiver

Une richesse créative parisienne – Dans GoutsetPassions, nous aimons écrire sur la nouveauté, parfois hors des sentiers battus, à la recherche de talents innovants. C’est ici que nous présentons une sélection de spectacles vus et vécus, certains encore en rodage, qui viennent de se lancer ou qui sont de vraies nouveautés.

 

Ainsi, nous nous sommes rendus à la Comédie des 3 Bornes, l’un des plus petits théâtres parisiens, mais qui a la bonne idée de présenter de multiples jeunes talents qui y font souvent leurs premiers débuts. Nous sommes allés voir Mélodie Fontaine dans un seul-en-scène plein d’énergie, parfois un peu trash, qui personnifie plusieurs personnages animaliers humoristiques. C’est un panel multiple de situations cocasses et de mises en abîme rebondissantes. On aime son personnage de l’ours russe qui fera rire toute la salle. Après cet échauffement émotionnel, nous avons rencontré Tristan Lucas dans son one man show plutôt réussi, dont la présence physique sur scène et la gouaille attachante décèlent un grand potentiel comique. Tristan est un fin humoriste, à la répartie libre, un brin cynique et spontanée qui met à l’aise son public autant qu’il le chambre. Un joli moment de rire. - www.comediedes3bornes.com

 

Le Théâtre Edgar fait aussi partie de cette catégorie des plus petits théâtres parisiens, mais aussi des plus dynamiques. Nous avons hâte d’aller y découvrir la nouvelle pièce des deux auteurs de la fameuse pièce comique à succès AdopteunJules.com intitulée Tinder Surprise. Une comédie amoureuse déjantée et désopilante qui connaît déjà elle aussi un beau démarrage. Une satyre sociale bien tournée sur les affres du couple, du mariage et surtout des accouchements et tout ce qui s’en suit. Une petite pépite de rire concentré, nous nous y rendrons avec plaisir – www.theatre-edgar.com 

 

Les Feux de la Rampe est un dynamique théâtre parisien, véritable tremplin de jeunes talents et de pièces à succès. Nous nous esclafferons certainement en vivant la pièce Le Criquet Russe, une nouvelle comédie haute en couleur où dérision et énergie se mêlent volontiers, au travers de quiproquos cocasses ayant lieu dans un huis clos serré à trois. Cette même scène parisienne tourne des pièces confirmées, telle Les Aventuriers de la Cité Z, une fantasmagorique aventure mêlant personnages iconoclaste et décors chatoyants, un bon moment de rire qui connaît déjà sa 350ème représentation. - www.theatre-lesfeuxdelarampe.com

Prolongée pour cause de succès au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées, nous irons assister à la pièce comico-satyrique C’est Noël Tant Pis de l'auteur français émérite Pierre Notte, une tragico-comédie familiale qui dresse le portrait au vitriol de la famille bourgeoise française-type prise dans ses paradoxes cornéliens, voire une folie douce dont on rit tant on peut s’y reconnaître. - www.theatredurondpoint.fr - Janvier 2017

RUMEUR ET PETITS JOURS

au Théâtre de la Bastille

Le théâtre belge à son firmament - Le Raoul Collectif se définit comme cinq enfants d'une époque qui interrogent son modèle social en cherchant où il peut se fissurer. C'est aussi cinq acteurs merveilleux (tous sortis de l'ESACT de Liège), cinq auteurs géniaux, cinq metteurs en scène formidables, cinq musiciens atypiques et cinq belges passionnés. Il y a de l'enfance oui, car il y a beaucoup de jeu. Ils jouent et ils jouent très bien, avec la folie de l'enfance mais aussi avec une grande maturité. Ils sont jeunes, ce n'est que la deuxième création (après Le signal du promeneur présenté notamment au Théâtre de la Bastille en 2012) et pourtant c'est un spectacle cohérent, construit, montrant à la fois la grande liberté et la grande rigueur du travail de ce collectif. Nous sommes le public d'une émission de radio culturelle. Les costumes élégants, les cigarettes, les accessoires, peuvent faire penser qu'on est dans les années 80. Ces cinq chroniqueurs ont visiblement une ligne éditoriale ambitieuse. Ils réfléchissent sur tout et n'importe quoi et surtout n'importe quoi, chacun dans son domaine. Tout est sujet à réflexion et à analyse, et il y a quelque chose de totalement abscons dans les débats qui se veulent très intellectuels. La direction de la chaîne est en désaccord et c'est aujourd'hui la dernière émission. La diffusion sera même interrompue avant la fin. L'harmonie du groupe était déjà discordante. Tout vacille peu à peu. Le collectif interroge ainsi "le groupe dans sa nature et dans son fonctionnement, aussi bien dans ce qu'il porte d'utopie et d'idéal social que dans ses limites, ses échecs et ses violences". Ils se disputent, se cherchent, s'expriment violemment. Tous les mécanismes du groupe sont remis en cause: codécision, unanimité, entraide, propriété... C'est une réflexion ludique sur la relation entre l'individu et le collectif. Ce qui est très intéressant et positif, c'est que ce spectacle est la preuve même qu'il est possible de s'épanouir et de trouver sa place à l'intérieur d'un groupe. Chaque comédien propose réellement un personnage dessiné, singulier, ayant une fonction précise dans ce groupe bien défini. Ils jouent tous très bien, avec beaucoup de finesse et ils sont tous très attachants. Le texte est très travaillé et cela n'empêche pas des moments d'improvisation formidables. Pour le collectif Raoul "le groupe semble encore le meilleur moyen d'agir". Cela donne un spectacle avant tout extrêmement drôle et joyeux, inventif et ingénieux. Il y a aussi des moments musicaux très émouvants qui prouvent encore une fois la nécessité et la beauté d'être ensemble. - www.theatre-bastille.com - Novembre 2016

NATURELLEMENT BELLE

au Studio Hébertot

Enjouée et remarquable - La pièce se joue au Studio Hébertot, petit théâtre intimiste, dans une salle sobre, sans fioriture. Nous sommes allés à une représentation du samedi après-midi, intrigués par le thème si actuel développé par deux comédiens exceptionnels d'authenticité et de sensibilité. Dépasser la phobie sociale du paraître afin de découvrir la beauté de la Vie n'est pas une mince affaire. Les dialogues sont pertinents et le jeu de scène de chacun parfaitement orchestré. Rachel Pignot et Raphaël Callandreau mènent la danse avec beaucoup d'humour et d'émotions. Nous nous apercevons rapidement qu'il s'agit d'une leçon de Vie très pertinente par cette période de troubles sociaux. Cette pièce devrait devenir un classique pédagogique à diffuser dans tous les établissements scolaires. Cela permettrait sans doute de faire évoluer les mentalités en redonnant la confiance en soi dont manquent cruellement nos jeunes. Il ne faut pas rater ce spectacle haut en couleurs de vérité. Nous retenons que pour trouver le bonheur, il faut d'abord fixer nos objectifs, développer notre envie de changement, décider de mettre en œuvre une stratégie concrète et enfin réaliser notre projet en écoutant nos sentiments et non plus notre raison. Naturellement belle est une comédie théâtrale et musicale rondement menée, emplie de bon sens et de chaleur humaine. Nous sommes ravis de constater qu'il existe des producteurs tels que Philippe Dupouy et des metteurs en scène tels que Yves Pignot qui s'intéressent à des sujets sociétaux forts et permettent à des auteurs et des comédiens de jouer des spectacles donnant la clef d'un éveil positif de la population. On apprécie cette pièce dynamique construite en une série de tableaux cocasses au rythme effréné. Tout est fluide et les rires fusent dans cette comédie chantée, on rit de soi-même et de la société dans cette farce moderne, caricature réussie des exagérations de notre monde devenu tyrannique tel cet ordinateur qui scande les minutes de chaque action des personnages ou encore cette démonstration de coach sportif personnnel hilarante. L’ensemble est réussi et ne manque pas de souffle. Chants, performances, accompagnement musical au piano, c’est un travail remarquable qui nous est livré ici. On distinguera en particulier la prestation parfaite de Rachel Pignot, une comédienne et artiste accomplie. Allez passer un bon moment qui pourra sans doute vous permettre de relativiser votre quotidien morose. Naturellement Belle s'adresse à tous, bravo pour cette pièce puissante et drôle, c'est une bouffée d'oxygène ! Photographie: Jean-Paul Loyer - www.studiohebertot.com - Septembre 2016

LA MOUETTE

au Théâtre de l'Odéon

Théâtre classique - Thomas Ostermeier est le metteur en scène allemand directeur de la Schaubühne de Berlin depuis 1999. En 2013, il créé Les revenants d'Ibsen et rencontre à cette occasion des comédiens français qu'il retrouve aujourd'hui dans La Mouette: Valérie Dreville, Jean-Pierre Gos, François Loriquet, Matthieu Sampeur et Mélodie Richard. Lors des répétitions, Ostermeier a fait improviser les comédiens sur leurs vies personnelles, leurs histoires d'amour, leurs trahisons, ou d'autres situations encore, toujours liées au texte. Il met ainsi en relation la vie des comédiens et celles des personnages. Il appelle cela "le storytelling". L'acteur s'interroge donc sur la manière dont il réagirait dans la même situation que le personnage, une méthode inspirée de Stanislavski. Certaines de ces improvisations ont été ajoutées au texte initial de La Mouette. On se demande d'abord si cela est bien nécessaire, si Tchekhov ne se suffit pas à lui-même. Mais très rapidement, on se laisse convaincre. Le procédé instaure immédiatement un rapport privilégié avec le public qui rit beaucoup. Ostermeier n'abuse pas de ce système, ces digressions pleines d'ironie n'apparaissent qu'au début du spectacle, dans des moments judicieusement choisis et justes. On entend ainsi à quel point le texte traite de questions actuelles, les deux thèmes principaux étant selon lui l'art et l'amour. Le metteur en scène montre que La Mouette est une histoire absolument contemporaine. Les acteurs ne quittent d'ailleurs presque jamais le plateau, les transitions entre le jeu et le non jeu sont simples, fluides, légères. Les acteurs sont ainsi très proches des personnages, et jouent avec la plus grande vérité, car ils s'appuient sur leur propre vécu. Petit à petit, le spectacle se recentre sur l'histoire écrite par l'auteur. Le jeu devient plus intense, plus profond. Certaines scènes de l'Acte IV sont poignantes comme le baiser entre Macha et Treplev ou le silence des personnages au chevet de Sorine. Cette proposition est assez différente des autres mises en scène d'Ostermeier avec ses acteurs allemands. Le spectacle est plus insolent, moins parfait peut-être, mais pas moins touchant. Les acteurs jouent avec humanité, ils ouvrent réellement leurs âmes. C'est très beau et dans ce sens, c'est très fidèle à Tchekhov. Une pièce vibrante proposée au Théâtre de l’Odéon. www.theatre-odeon.eu Juin 2016

LE PLUS BEAU JOUR

au Théâtre Hébertot

Couples et secrets – Nous sommes arrivés au Théâtre Hébertot admiratifs de cet endroit mythique dans lequel règne une atmosphère distinguée.  Nous avons pris place sur des fauteuils confortables dans une salle élégante parmi un public choisi. L'ensemble avait beaucoup de classe. Puis, les comédiens sont arrivés sur une scène harmonieuse, au décor sobre et résolument contemporain. La pièce qui s'est déroulée sous nos yeux a été rondement menée. Le jeu des artistes était authentique, sans fausse note ; le scénario sans surprise, souvent drôle montrant les méandres de la réalité des vies de couples. Nous n'avons pas été étonnés de la chute de l'histoire mais nous avons passé un très bon moment, "politiquement" très correct. Par ailleurs, nous avons été émus par la présence des enfants d'Arié Elmaleh, assis juste devant nous. Le jeune garçon était tellement fier de voir son père entrer en scène qu'il a esquissé un signe de la main, le regard empli de tendresse mais il n'a pas reçu de retour puisque le comédien était entrain de jouer. Nous avons vu de la déception dans les yeux du gamin. Puis, tout au long de la pièce le jeune garçon paraissait un peu choqué de voir son père embrasser des femmes sur scène. Nous nous sommes alors dits qu'il vaudrait peut-être mieux ne plus mettre en scène les perversions des adultes comme c'est le cas dans 'le plus beau jour" pour éduquer les enfants en leur donnant l'envie de construire sans leur infliger les bassesses sociales dès leur plus jeune âge. C'est un grand débat ! Toutefois, cela a été un beau moment passé en compagnie de comédiens dont le professionnalisme et le talent  ne sont plus à démontrer. Deux hommes et trois femmes expressifs sans en faire trop, Du grand théâtre ! www.theatrehebertot.com Mai 2016

PHEDRE(S)

au Théâtre de l'Odéon

Une pièce choc - La pièce Phèdre(s), mise en scène par Krzysztof Warlikowski résulte d'une synthèse de textes de Wajdi Mouawad, auteur libanais, Sarah Kane, jeune anglaise suicidée (comme Phèdre) et J.M. Coetze, le prix Nobel sud-africain, tous relatifs au personnage mythologique éponyme (eux-mêmes et notamment Mouawad s'inspirant des Phèdre d'Euripide et de Sénèque). Isabelle Huppert y joue, sous différents noms, dans différentes scènes et à différentes époques ce même personnage. Mais en fait de personnage de synthèse, c'est d'un monstre, au sens tératologique, dont il s'agit. La pièce semble en effet accumuler tous les défauts que l'on fuit généralement au théâtre - longueur, caractère bruyant, intellectualisme, hermétisme et une once de vulgarité - et pourtant, l'on ressort ravi de sa soirée: le talent exceptionnel d'Isabelle Huppert y est sans doute pour l'essentiel. Le temps ne semble pas avoir d'emprise sur elle, notamment physiquement. L'on n'y comprend rien, sans doute parce qu'il n'y a rien à comprendre. Dans la mythologie hellénique, Phèdre épouse Thésée qui, au retour de Crète, a abandonné sa sœur Ariane. Thésée est déjà marié à Mélanippé, avec qui il a eu un fils, Hippolyte. Amoureuse de son beau-fils, Hippolyte, Phèdre s'offre à Hippolyte qui la repousse. Par vengeance et craignant qu'Hippolyte ne révèle tout à son père, elle accuse le jeune homme d'avoir cherché à la violenter. Furieux mais ne voulant pas tuer son fils lui-même, Thésée appelle aussitôt sur son fils la malédiction de Poséidon. Celui-ci invoque un monstre marin à Trézène, qui surprend les chevaux du char qu'Hippolyte conduisait le long de la mer ; le jeune homme périt, traîné par ses chevaux le long des rochers. Phèdre, dévorée par la culpabilité, se pend. La pièce est conçue à la manière d’un film et l’image y est d’ailleurs très présente, (extraits de Psychose, Frances ou Théorème). Les actes y sont des scènes de cinéma, sous la protection ou le commandement de notions proclamées sur un écran en fond de scène (beauté, cruauté, innocence, pureté, réalité). L’on est d’abord en pays arabe, la comédienne Norah Krief interprétant, accompagnée d’une guitare électrique, une chanson d’Oum Kalsoum. Une danseuse est également présente, sans doute Aphrodite. Le début est sexuel, voire pornographique, avec une Isabelle Huppert jouant les aliénés, les hystériques, voire les nymphomanes. Assez vulgaire, ça n’est pas la meilleure partie du spectacle. D’ailleurs, tout au long de la pièce, tout n’est souvent que viols, coït, fellations, violences physiques. Cela est fait pour choquer le bourgeois, mais le sexe est-il encore subversif ? La deuxième partie de la pièce se passe ensuite prétendument dans un hôtel de luxe – du moins Phèdre s’en convainc-elle – mais l’épure du lieu pourrait en faire un hôpital psychiatrique, une prison ou un camp. La dernière partie convoque enfin une troisième Phèdre, après son second suicide, incarnée dans Elisabeth Costello, romancière australienne et conférencière. Isabelle Huppert y est magistrale, telle qu’en elle-même, et la pièce devient profondément drôle. Vous n’y comprenez rien ? C’est normal car sinon, je me serais mal exprimé. N’écoutez pas la critique majoritaire et allez-y. Le spectacle est long mais on en sort content. Or l’important n’est pas la destination mais le chemin. www.theatre-odeon.eu  Mai 2016

PAR DELA LES MARRONNIERS

Au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées

Exceptionnel – Tout simplement l’une des meilleures pièces de la saison, certainement "moliérisable" ! Nous avons assisté au Théâtre du Rond-Point à une prestation magistrale, une pièce grandiose comme on en voit peu. Tout est presque parfait: scénographie élégante et chatoyante, textes forts et vivants, acteurs présents et précis, chanteuses douées et joyeuses. La pièce est aussi un inclassable: à mi-chemin entre le cabaret burlesque, la revue poétique et une pièce de théâtre historique. Nous sommes pris dès le début dans un univers à part, singulier, onirique et poétique. La mise en scène de renommé Jean-Michel Ribes y est dynamique, astucieuse, tout simplement belle. Cette pièce est tout autant un plaisir des yeux qu’un plaisir des autres sens, une réussite ! Seule l’absence de fil conducteur de l’action principale peut dérouter un tantinet mais peu importe, car nous sommes plongés dans le monde du dadaisme, là où l’art s’écrit en vers et la réalité se pense en poésie. Les jeux scéniques sont frais et saisissants, les numéros chantés qui font office d’intermèdes sont d’une excellence rare. Nous distinguerons la prestation de Stéphane Roger qui assure une présence scénique personnelle saisissante. La pièce ne pourrait se décrire que par des superlatifs, aussi nous n’en abuseront pas ici. Il faut encourager la création théâtrale française à produire des pièces d’une telle qualité, certes un peu moins tournées vers le passé mais plutôt appliquées à émerveiller le présent. Un incontournable de la saison. www.theatredurondpoint.fr Mars 2016

LES CHATOUILLES

Le Petit Montparnasse

Seul-en-scène dansé - Une pièce forte, qui résonne comme un coup de poing pris en pleine face. On ne sort pas insensible d’une des représentations de ce seul-en-scène féminin émotionnel, vibrant, parfois choquant. Le contexte est lourd, on parle ici d’attouchements sexuels sur des enfants. On frôle l’insoutenable mais c’est aussi cela d’être confronté à l’effroyable. On suit l’évolution personnelle d’une enfant devenue danseuse, on y voit sa chute, sa perte, son abandon. Andréa Bescond nous livre ici une interprétation magistrale, incroyable. Elle mime, joue, danse tous les personnages à la fois. Nous vivons un rêve éveillé, ou plutôt un cauchemar pour de vrai par certains moments. Tout est parfait dans cette pièce: le lieu, le texte, l’actrice-danseuses, la scénographie. L’émotion nous gagne et nous voulons vite aider cette fille devenue femme en détresse. André Bescond est une danseuse et comédienne confirmée et distinguée notamment à Avignon. Elle est servie par une mise en scène réussie d’Eric Métayer. La prestation est des plus brillantes et nous espérons qu’Andréa pourra nous retrouver dans ces lignes sur un sujet plus léger. Les Chatouilles ou la danse de la colère, une pièce pleine d’émotions graves et fortes jouée au Petit Montparnasse. Mars 2016

Libres sont les Papillons

au Théâtre Rive Gauche

Une pièce émouvante – Nous sommes allés assister à la pièce très annoncée Libres sont les Papillons présentée avec de beaux atouts: une pièce à succès de Broadway adaptée par le médiatique Eric-Emmanuel Schmidt et mise en scène par le réputé Jean-Luc Moreau. Nous ne fûment pas déçus et nous fûment même touchés dans nos émotions par l’excellente et vibrante prestation du jeune Julien Dereims qui nous livre un jeu fin et entier, dans l’essence même de son personnage vivant et fragile de jeune éphèbe aveugle. La mère de ce jeune homme est brillamment jouée par Nathalie Roussel qui campe un personnage de bourgeoise autoritaire (mais aimante) dans lequel certains ont pu reconnaître leurs propres mères. La scène se joue dans un seul lieu, nous sommes là dans un vaudeville moderne et rythmé. Les jeux comiques sont efficaces, mais l’émotion réside surtout dans la profonde humanité et sensibilité du jeune homme dont les émotions sont le sujet principal de la pièce. Le jeune homme va se battre pour l’amour, l’espoir et la vie malgré le terrible secret qui l’habite. Nous aimons en particulier le duo mère-fils qui donne l’action à la pièce, leur relation emplit la scène d’une vibrante intensité, elle donne le La de la pièce et cette dynamique en devient captivante. Une pièce libre et bien jouée à découvrir au Théâtre Rive GaucheMars 2016​

Le Portrait de Dorian Gray

au Théâtre du Lucernaire

Une pièce remarquable – Quelle réussite que cette pièce présentée au dynamique Théâtre du Lucernaire, basée sur l’unique roman de l’écrivain anglais Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray. C’est une perle de spectacle théâtral comme on les aime, une représentation vive, saisissante qui réjouit ou choque aussi, donnant place à une performance d’excellence de ces quatre comédiens que nous avons pu admirer par leur jeu précis, vibrant, déterminé. C’est l’une de ces pièces que nous recommandons pour ses qualités culturelles mais aussi pour montrer ce que doit être le théâtre d’aujourd’hui. Certes, le contexte date un peu mais ce brin de fantastique, cette folie décrite dans le personnage de Gray est un avertissement, une réflexion lancée sur ce qu’est le manichéisme de l’Homme, cette recherche éperdue du pouvoir, de la jeunesse éternelle ou des plaisirs sans fin, qui ne font que provoquer sa chute. Le talentueux acteur et metteur en scène français Thomas Le Douarec (Lord Henry), brille et surpasse tous ces très bons comédiens d’un haut niveau déjà, il nous livre ici sa dernière adaptation de ce roman et c’est très réussi. Arnaud Denis interprète magnifiquement le rôle de Gray. La comédienne et chanteuse douée Caroline Devismes, également assistante à la mise en scène, a joué un rôle effronté, dilettante et enchanteur. La présence scénique est intense, la mise en scène subtile autant qu’efficace, nous sommes plongés dans un voyage des passions, de la raison ou de la déraison. C’est un théâtre comme celui-ci qu’il faut encourager en France, un théâtre qui montre la vie, qui fait vivre des émotions au public, tout en l’orientant vers des thèmes plus modernes. Saluons ici la Compagnie de Thomas Le Douarec qui a donné ce jour-là une représentation pleine d’énergie. Un succès (salle comble) qui a mérité l’ovation du public ce soir-là. Comédiens en alternance suivant les représentations. www.lucernaire.fr Mars 2016​

CONTE D'HIVER

Théâtre Les Gémeaux

Théâtre - Nous sommes allés voir la pièce très attendue Conte d’Hiver de William Shakespeare adaptée par le scénariste anglais reconnu Declan Donnellan  (jouée en anglais, surtitrée en français) au Théâtre des Gémeaux à Sceaux. Le metteur en scène anglais Declan Donnellan est un habitué du Théâtre Les Gémeaux et de Shakespeare, il y a monté avec succès plusieurs pièces de l'auteur anglais. Pour Conte d’Hiver, il a fait le choix pertinent de mettre le texte et le jeu au centre de la représentation, de façon singulière et juste. La pièce présente l'histoire d'un roi paranoïaque qui soupçonne son fidèle ami d'avoir une liaison avec sa femme, enceinte, il va jusqu'à commander l'assassinat du soit disant traître et faire emprisonner sa femme. Comme souvent chez Shakespeare, les situations sont extrêmes et jouer la folie est un dénominateur commun. Orlando James interprète avec brio le personnage du roi Léonte, fou de jalousie. Les autres personnages sont confrontés à ses délires, sont poussés à bout et joués avec dextérité et justesse par chacun des acteurs. Ils parviennent tous à créer leur personnage singulier, même les plus petits rôles sont intéressants. Joy Richardson interprète Paulina avec humour et sensibilité. La prise de parole est moderne, simple, directe, il y a parfois des jeux d'humour, le jeu est juste et sincère. Quand la situation devient démesurée, le jeu l'est aussi. Ce qui est remarquable, c'est que les acteurs jouent sans faire semblant. On souffre vraiment, on rit vraiment, c'est théâtral, une nécessité chez Shakespeare. On passe successivement par le rire, la colère, l'anxiété. L'image de fin est très belle. La scénographie est épurée, les lumières sont magnifiques et mettent en valeur les comédiens. Il y a de l'élégance dans ce spectacle en anglais surtitré. La pièce dure 2h45, on ne s'ennuie pas un instant, nous sommes happés par cette terrible histoire et son rythme effréné. Declan Donnellan a su transmettre le génie de Shakespeare. Une autre grande production shakespearienne et moderne Richard III (durée de 4 heures) fût donnée au Théâtre de l’Odéon www.theatre-odeon.eu/fr, un drame shakespearien saisissant mis en scène par l’ingénieux Thomas Jolly.  Une autre pièce du répertoire classique fût également donnée ce mois, le Tartuffe de Molière modernisée par le metteur en scène suisse Luc Bondy à l’Odéon, aux Ateliers Berthier. Février 2016 

LA CERISAIE 

Théâtre Du Soleil

Théâtre – Nous sommes allés assister à la pièce La Cerisaie  d’Anton Tchékhov présentée au Théâtre du Soleil Christian Benedetti, directeur du joli Théâtre Studio d'Alfortville, s'est lancé un défi: monter l'intégralité de l'oeuvre de Tchekhov. Depuis quelques années, il a mis en scène La Mouette, Oncle Vania, Les Trois Soeurs, La Cerisaie et prochainement Ivanov. Cette année, il a rencontré une difficulté importante, des travaux de rénovation l'ont empêché de présenter sa dernière création La Cerisaie dans son théâtre, Ariane Mnouchkine lui a tendu la main, la célèbre metteuse en scène lui a tout proposé de l'accueillir au Théâtre du Soleil. C'est donc dans ce lieu emblématique de la Cartoucherie de Vincennes, encore décoré sur le thème de Macbeth, le dernier spectacle d'Ariane Mnouchkine, que le spectateur arrive et renifle avec plaisir la bonne odeur de soupe maison servie à la lueur des petites bougies disposées sur des tables en bois. Ici, le théâtre est une famille, les membres de la troupe sont amenés à tout faire : jouer, construire, coudre, cuisiner, nettoyer, le travail artisanal de Christian Benedetti s'inscrit parfaitement dans cette tradition. Il monte tous ses Tchekhov de la même manière, avec le souci d'une extrême fidélité à l'auteur, que cite Evtikhi Karpov: "Je voudrais qu'on me joue d'une façon toute simple, primitive... comme dans l'ancien temps...une chambre...sur l'avant-scène un divan, des chaises... Et puis de bons acteurs qui jouent... c'est tout... et sans oiseaux et sans humeur accessoiresques..." Sur scène, seul le décor absolument nécessaire pour monter la pièce et des costumes contemporains sont présents, on se concentre ainsi sur les acteurs. La première chose qui intrigue, c'est le rythme de la parole : ils parlent vite, très vite. Tchekhov disait que ses pièces étaient des comédies. Benedetti instaure le rythme de la comédie, le rythme de la pensée. Ce sont les pauses, indiquées précisément dans le texte et minutieusement respectées par le metteur en scène. De vraies pauses qui contrastent avec le rythme général, qui nous permettent de respirer et de nous interroger sur le sentiment des personnages en nous plongeant dans le regard profond des acteurs. Les changements de décor sont rapides, assumés, et n'ont d'autres fonctions que de changer le décor. C'est le genre de spectacle dans lequel il faut "entrer", il faut s'habituer à cette proposition brute, à cette parole effrénée, le plaisir vient vite car les acteurs maitrisent parfaitement cet exercice pourtant difficile. Ils sont justes et sincères, on entend alors magnifiquement cette histoire bouleversante. La simplicité de cette mise en scène épurée nous permet de nous attacher à chaque personnage, de comprendre leurs conflits intérieurs, d'être touché par leurs douleurs et de rire aussi. On ne peut qu'adhérer à cette proposition très convaincante de monter Tchekhov, félicitations ! Le Théâtre Studio , dirigé par Benedetti, nous réjouit courant mars d’une expérience théâtrale atypique: des représentations en appartements, pour la pièce saisissante On a fort mal dormi mise en scène par Guillaume Barbot, un évènement intimiste de qualité. Une autre pièce d'Anton Tchekhov s’est jouée récemment et a été porté à notre attention, il s’agit du Chant du Cygne / L'Ourse, mise en scène par la jeune talentueuse metteuse en scène française Maëlle Poésy à la Comédie Française .Février 2016

KVETCH

Théâtre Du Rond-Point

Théâtre – Kvetch est la dernière comédie satirique de l’acteur et auteur américain Steven Berkoff mise en scène par Sophie Lecarpentier au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées Kvetch a été publié en 1986 et n'a pas pris une ride. C'est l'histoire de Frank, sa femme Dona, son collègue Hal et sa belle-mère. Des scènes de la vie quotidienne: au bureau, à la maison, à table, au lit... Ils ont des vies simples, normales, normées et sont particulièrement soucieux de la vie en société. On essaye d'être une femme au foyer irréprochable, un collègue de travail détendu et sympathique, on fait tout pour bien recevoir son invité… La belle-mère est la seule à ne pas s'inscrire dans ce respect des convenances, du coup, elle semble ne pas avoir ce qu'ils appellent des kvetchs. Les "kvetchs", ce sont les pensées intérieures des personnages, souvent tordues, inavouables, qui révèlent leurs peurs, leurs frustrations, leurs colères, leurs désirs secrets, leurs névroses... Ces kvetchs dits à voix haute, interviennent à tout moment dans une situation et sont entendus uniquement par le public. Les quatre personnages dînent, discutent de choses et d'autres, on se fait des politesses, on s'excuse, on rit. Soudain, l'action se fige, comme un arrêt sur image. L'un des personnages se lève d'un coup et s'adresse au public pour dire ce qu'il pense vraiment de ce qui est en train de se passer. On découvre alors des êtres terriblement angoissés par le jugement des autres, sclérosés, ayant peur de ne pas bien faire, de ne pas être à la hauteur, de ne pas être intéressant, drôle... Ils nous dévoilent leur intériorité avec une franchise absolue. Ils ne sont plus biens sous tous rapports mais deviennent alors hypocrites, ridicules, minables, monstrueux, détestables, très humains et donc drôles et touchants. Le spectacle est réussi. La metteuse en scène Sophie Lecarpentier a éprouvé "le besoin de revenir à un théâtre épuré, sans décor, reposant d'abord sur les interprètes". Ils jouent tous les quatre magnifiquement bien et sont accompagnés par un violoncelliste qui crée un univers sonore en direct. C'est une belle idée qui met parfaitement en valeur ce texte singulier et apporte de l'étrangeté, de la poésie, de l'humour et du rythme. Le travail corporel est passionnant. Au moment des kvetchs, la parole jaillit littéralement des corps qui se mettent en mouvement de façon singulière. Les comédiens ont inventé avec cette chorégraphe une manière de styliser l'écart entre la vie réelle des personnages et leur monde intérieur libéré et décomplexé. Ils font en permanence l'aller-retour entre ces deux dimensions, avec vivacité et habileté. C'est bien fait et c'est jouissif pour le spectateur d'assister à ce lâcher prise. On rit beaucoup dans ce spectacle, on rit d'entendre les personnages dire enfin la vérité. On est aussi très touché par leurs faiblesses, leur solitude, leur espérance. On se reconnait aussi bien sûr. C'est si bon de rire de soi. Une autre pièce d’humeur sociale que nous sommes allés voir est la pièce Une Mariée à Dijon, mise en scène par Stéphane Orly et présentée lors d’un souper spectacle romantique au Théâtre de l’Aquarium . Une belle performance théâtrale et scénique, une expérience inédite de souper-spectacle accompagné d’un violoncelle et concocté avec des produits de saison issus du potager fruitier du Château de la Roche-Guyon. Février 2016

LA VALSE DU HASARD 

Studio Hébertot

Théâtre dramatique – Nous avons apprécié la finesse de cette pièce philosophique qui détonne dans le paysage théâtral français. Un jeu subtil, des acteurs très présents, c’est une pièce qui procure des émotions assurément. Le spectateur est confronté à la fougue, la rage, la folie, la perversion et même à l’amour de ces deux personnages, tous les deux complexes et torturés. Une femme décède dans un accident suicidaire et elle est apparaît alors devant un inspecteur sournois et habile qui doit décider de son jugement dernier. La vie de cette femme est passée au peigne fin, avec ses erreurs, ses vices, ses regrets, tout y passe, avec une comptabilisation mécanique et aléatoires de points, comme dans un jeu. La pièce est bouleversante, elle intrigue, elle est moralisatrice aussi. Une performance exceptionnelle des deux acteurs Patrick Courtois et Marie Delaroche, un jeu adroit, précis, remarquable. Saluée par un succès au Festival d’Avignon 2015, c’est une pièce de réflexion saisissante, créée en 2015 par le metteur en scène et acteur français Victor Haïm, co-mise en scène par Carl Hallak (un jeune talent à suivre) et présentée au Studio Hébertot,une pièce qui marquera certainement la programmation 2016 de cette salle dynamique dont nous aimons l’ambiance conviviale. Février 2016

MARIS ET FEMMES 

Théâtre De Paris

Théâtre comiqueNous sommes allés apprécier la dernière grande pièce du metteur en scène français renommé Stéphane Hillel intitulée Maris et Femmes au Théâtre de Paris.Il s’agit de la première adaptation au théâtre du film éponyme du cinéaste américain Woody Allen .Nous pénétrons dans le fameux Théâtre de Paris, lieu historique de représentations théâtrales parisiennes à succès. Dans la salle Réjane, nous découvrons un décor lumineux des plus originaux, librement inspiré de vues New-Yorkaises, lieu d’action de cette pièce et seul l’étroitesse des sièges de cette salle perturbera notre plaisir de spectateur. La pièce commence et va en crescendo d’émotions, de découvertes en stupéfactions puis éclats de rire. Les comédiens français, tous d’un très bon niveau, nous livrent un texte qui reprend toutes les subtilités des jeux psychologiques et sentimentaux de Woody Allen et de son style narratif si particulier. La pièce est sociale, psychologique, enjouée, parfois même crue, elle décrit la vie de deux couples bourgeois New-Yorkais bien installés dans leur quotidien qui va être subitement mis en péril par l’arrivée de deux jeunes femmes dans ces existences sociales rangées; les couples se déchirent, s’éprennent, se rabibochent ou vont voir ailleurs. La mise en scène est efficace et originale, les vérités et les rires fusent. C’est une pièce comique et psychologique distrayante et bien menée qui satisfera tout public. La prestation de la comédienne renommée Florence Pernel y est remarquable. Les comédiennes prometteuses Astrid Roos (Talent Adami 2015) et Alka Balbir s’y sont distinguées par leurs jeux comiques de fraîches ingénues. Dans ce même registre de satire sociale moralisatrice et d’inconnues sentimentales hédonistes, nous irons voir ce mois la célèbre pièce Le Portrait de Dorian Gray de l’anglais Oscar Wilde produite au Théâtre De Paris Février 2016

LES PAPOTINS

à la Maison des Métallos

Une pièce saisissante – Suivre les pas du comédien et metteur en scène français émérite Eric Petitjean est le gage d’une qualité scénique réussie pour qui veut être dans un choix éclairé de pièces qualitatives. Les Papotins ou la tâche de Mariotte est l’une des pièces qui marquera la saison parisienne de 2016 selon nous. Présentée à la dynamique Maison des Métallos, nous l’avons découverte avec plaisir et stupeur joviale. Tout est en décalages et francs effets scéniques dans cette pièce qui donne aussi matière à réflexion sur qui nous sommes dans un monde intelligible et communicant. Nous aimons ces pièces palpitantes qui surprennent le public en démarrant dans la salle plutôt que sur scène. Les quatre personnages d’Arnaud, Thomas, Nathanaël et Carole sont touchants de sincérité, avec des discours directs et répétitifs. Autistes, ils sont dans leur monde. La tâche de Mariotte est la partie de l’œil qui ne voit pas. Il suffit de changer d’angle de vue pour voir. C’est ce que nous enseigne la pièce : toute la réalité est le point de vue de son observateur, il y a des choses qu’il ne peut pas voir. Le jeu des acteurs est excellent, nous sommes immédiatement transportés dans leur monde. Tout est fait de relations franches et directes, souvent l’évocation de ce que devraient être des relations humaines simplifiées. Les personnages deviennent vite attachants. L’émotion est palpable et les rires fusent lorsque les acteurs très doués interagissent réellement avec le public. Une pièce qui nous laisse avec l’impression d’une excellence de jeu d’acteur, la mise en scène est forte et saisissante. Nous y distinguerons la prestation pleine d’émotion de Philippe Vieux. Une pièce introspective profonde et humaine. Une réussite totale et nous espérons que cette pièce sera reprise cette année en France tant elle mérite les éloges d’un public qui en sera conquis. www.maisondesmetallos.org Février 2016

LES PIECES D'ALEXIS MICHALIK

Pièces remarquables

Le Cercle des Illusionnistes - Nous avons aimé cette dernière pièce d’Alexis Michalik. Jeux de scène subtils, des comédiens au firmament de leur art, des astuces scéniques originales, c’est une grande fresque historique de l’histoire française qui nous est livrée avec foisonnement de scènes de vie des personnages décrits. L’histoire de la création du cinéma français en particulier, les histoires croisées d’êtres et de couples sur plusieurs générations. Nous avons vécu avec amusement et intrigue toutes ses scénettes jouant de flash-backs historiques et personnels. Si certes, le spectateur peut parfois être décontenancé, c’est un voyage initiatique, poétique et social qui nous transporte dans cette comédie dramatique à l’exécution parfaite. Une réussite. Une belle pièce historique française et originale de haut niveau distinguée aux Molières qui s’est jouée à la Comédie des Champs-Elysées  ayant marqué la saison 2015. Janvier 2016

 

Le Porteur d’Histoire – Les brillantes pièces d’Alexis Michalik nous réjouissent d’une narration moderne, inédite et poétique. Le Porteur d’Histoire est la célèbre œuvre théâtrale qui a révélé son auteur aux yeux du grand public (s’attribuant deux Molières en 2014). Nous nous rendirent impatiemment au Théâtre des Béliers Parisiens afin de vivre la reprise de cette pièce admirable dont nous avons tant entendu parlé sans jamais l’avoir vue. Nous ne fûment pas déçus, au contraire. Michalik nous emporte en un instant d’un continent à l’autre, d’un siècle à l’autre. Sa patte d’écriture scénique est unique et nous nous laissons emporter tels des enfants dans une narration libre de destinées, de scènes de vies remises en action présente, tout est tumulte et émotions, subtilité et passion. Le jeu des cinq acteurs est brillant et nous distinguerons plus particulièrement ce soir là Justine Moulinier ainsi que Daniel Lobé pour leur force de jeu scénique. C’est une pièce comme on souhaiterait en voir plus au théâtre français : riche, étonnante, didactique, mettant en lumière ce qu’est l’Homme et ici la France. Une pièce culturelle vivante, enjouée que nous avons plaisir à recommander, le voyage poétique y étant garanti. Une oeuvre érudite qui donne autant de plaisir que de culture, félicitations ! Nos remerciements à Pascal Zelcer, agent de presse. Mars 2016

VICTOR F 

Théâtre De l'Aquarium

Théâtre contemporain  - Le spectateur passionné sera étonné ou saisi par la pièce profonde et poétique écrite par le metteur en scène Laurent Gutmann intitulée Victor F (F pour Frankenstein) produite au Théâtre de l’Aquarium, une pièce que nous sommes allés voir avec l’envie de la découverte d’une nouveauté inédite. Quel joli lieu de spectacles que le Théâtre de l’Aquarium ! Niché dans le cadre bucolique des bois de Vincennes, nous avons plaisir à être accueillis dans ce théâtre contemporain bien conçu qui laisse place à la simplicité d’une relation directe avec le public. Ce théâtre connait une programmation originale et de qualité, la pièce Victor F en est l’évidence même. C’est une pièce dramatique et poétique, frisant l’absurde tel un chef d’œuvre de Ionesco, librement adapté du roman Frankenstein, qui montre la déshumanisation de l’Homme par sa propre science. Le spectateur se trouve vite emporté dans ce voyage mêlant sentiments, gloire, ivresse, abandon et vengeance. Une pièce vive, jubilatoire et magnifiquement jouée par les quatre comédiens émérites. On y distingue Eric PetitJean et surtout Cassandre Vittu de Kerraoul par son jeu fin, puissant, plein d’énergie, qui donne tout l’amour et la vie à cet espace minimaliste et floral qu’est l’espace de jeu scénique mis en scène par le talentueux Laurent Gutmann et son ingénieux scénographe Alexandre de Dardel. Une pièce qui fera certainement partie de nos préférées de l’année 2016. Une pièce brillante et grave, philosophique et contemporaine jouée ce mois au Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes. Nos remerciements à Catherine Guizard, attachée de presse, pour son chaleureux accueil. Janvier 2016

 

A TORT ET A RAISON

au Théâtre Hébertot

Dramaturgie - 1946 à Berlin, l’Allemagne est en dénazification accélérée par le libérateur américain. Le chef d’orchestre allemand Wilhelm Furtwängler joué par Michel Bouquet est confronté aux préparatifs de son procès pour compromission avec le régime honni. S’ensuit un face à face dur, froid, humain aussi, entre le personnage joué par Michel Bouquet et son enquêteur américain acharné (Francis Lombrail), qui va faire jaillir la complexité des lâchetés, la vigueur du courage de ces hommes et de ces femmes face à la barbarie. Nous avons apprécié la sensibilité des jeux scéniques, des émotions transmises et le jeu parfait de tous les comédiens. Une pièce évènement, historique et touchante à voir au Théâtre Hébertot mise en scène par Georges Werler, d’après la pièce de Ronald Harwood, le scénariste du film oscarisé en 2003 Le Pianiste. Nos remerciements à Pierre Cordier et son équipe, attachés de presse. Janvier 2016

UN TANGO EN BORD DE MER

Le Petit Montparnasse

Emouvant - Le Petit Montparnasse est un théâtre que nous aimons beaucoup car il présente la qualité d’être une « petite Comédie Française » à lui tout seul; il est à nos yeux l’un des meilleurs petits théâtres parisiens. Salle moderne, banquettes confortables et proximité avec la scène, il a tout pour plaire. Ce théâtre éclectique se distingue également par sa programmation soignée. Il découvre les talents. Dans Un Tango en bord de mer, la première pièce de Philippe Besson, c’est ce qui se produit avec l’acteur et comédien confirmé Jean-Pierre Bouvier qui nous donne un rôle magistral, précis, fin ; il est tellement doué qu’on en redemande. Issu du Conservatoire, l’émérite Bouvier joue ici dans le grand rôle qui pour nous le révèle au public parisien. Servi par une belle écriture, il remplit la scène d’une émotion puissante faite de vérité et d’amour. Novembre 2015

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