Dernières nouvelles de Rome et de l’existence

Poltrons et sofas : métaphysique du canapé par Jean Le Gall.

Un ouvrage libre et vibrant - Ayant écrit cinq romans depuis 2008, Le Gall est un auteur expérimenté. Celui-ci est aussi directeur général du Cherche-Midi, et à ce titre un important éditeur (le nôtre). Il est enfin un amoureux de littérature. Pas tant des livres, des lettres ou des idées, que de la littérature comme science. On a toujours l’impression qu’il écrit quinze centimètres au-dessus du sol et qu’il nous entretient de choses périphériques et ordinaires. Or c’est une recherche métaphysique. Jean Le Gall a décidé dans Dernières nouvelles de Rome et de l’existence de nous entretenir de l’inexistence des choses ou des hommes, voire des deux.

Nicola Palumbo, jeune-turc du Parti communiste italien décide, en cette année 1969, d’abandonner provisoirement la carrière pour devenir vendeur de canapés dans une enseigne à la mode, et rencontrer la population romaine. Nous sommes entre 1968 et le premier choc pétrolier, soit à la croisée des chemins. Et le canapé, comme l’explique l’auteur, est porteur d’une philosophie : celle de l’étalement, à l’instar de Rome qui à la faveur de la reconstruction d’après-guerre, a englobé ses marais et constructions anarchiques pour en faire ses faubourgs. Foin de la chaise et de son assise roide. Foin des petits lits d’autrefois où l’on dormait assis par peur de mourir. L’époque est à l’oblation de soi-même et à l’avachissement. En vertu d’une é(in ?)volution qui est à tel point devenue la norme qu’on a peine à concevoir qu’il en ait été autrement, l’homme et la femme modernes n’ont plus d’activité verticale ni de mystère. Ils s’affalent donc sur des canapés.

La fable est peuplée d’autres personnages veules et d’une célèbre actrice, car comme l’a également compris notre auteur, Rome c’est l’ennui et, comme dans le livre de Moravia, l’ennui c’est aussi le sexe. Foi d’italianisant et d’amateur de la ville aux sept collines : Le Gall a saisi l’essence de Rome qui est … la décrépitude. Tout, dans la capitale italienne, est vieux et déglingué, y compris ce qui semble moderne. L’Antiquité est au coin de chaque rue et le graffiti, personnage à part entière, y tient un rôle comme nulle part ailleurs.

Palumbo a-t-il existé, comme le suggère en fin de livre l’extrait de l’encyclopédie de la vie politique italienne dont un extrait est copié ? Peu importe, car comme tous les archétypes, il est éternel. Sommes-nous d’ailleurs certains nous-mêmes d’exister ?

Nos remerciements à notre rédacteur Frédéric Casotti. « Dernières nouvelles de Rome et de l’existence », par Jean Le Gall, Gallimard, 2025, 188 pages. – www.gallimard.fr– Juillet 2025